Extrait du journal
Le Conseil national du parti vient d'arrêter le texte du manifeste qui lui servira de programme commun aux élections générales législatives. La rédaction n'en est pas fort originale. C'est un recueil de toutes les phrases banales qui défraient depuis long temps la polémique du parti. On y retrouve les formules habituelles : « l'émancipation com plète », les « serfs du salariat », « l'avènement de la propriété sociale », la « destruction du capitalisme », la « grande idée révolutionnaire du travail souverain», le « libre développe ment du prolétariat universel », toutes ex pressions qui ne signifient rien de précis ou qui, comme la dernière, sont un véritable contre-sens puisque les socialistes visent, non pas à développer le prolétariat, mais à le supprimer. D'autres réformes, indiquées en termes un peu plus nets, n ont rien qui soit spécial au parti socialiste : notamment la journée de huit heures, l'extension du droit syndical à tous les employés de l'Etat, des départements et des communes, l'impôt progressif sur le revenu et les successions (ce lui-ci, d'ailleurs, existe déjà), et la représen tation proportionnelle. En réalité, le manifeste est beaucoup moins intéressant par ce qui s'y trouve que par ce qui y manque. Ses rédac teurs ont procédé avec une certaine discrétion. •La prudence dont ils ont fait preuve s!est sur tout montrée sur deux points. Ils ont, en premier lieu, évité toute attaque trop directe contre l'armée et le patriotisme. Sans doute ils ont déclaré que le socialisme seul pourrait fonder la justice et la paix entre les nations ; sans doute, ils ont accusé les « con voitises des classes dirigeantes » d'être la seule cause de tous les risques de conflits internatio naux ; sans doute aussi, ils ont qualifié la guerre de « diversion criminelle des privilèges mena cés ». Mais ce sont là des lieux communs rela tivement inoffensifs. On chercherait en vain dans le manifeste la négation de l'idée de patrie ou un appel à la révolte et à la désertion. Evi demment, ce n'est pas le citoyen Hervé qui a été chargé de tenir la plume. 11 n'aurait pas parlé de « l'indépendance des nations » et de « la liberté inviolable des peuples ». Le parti socialiste qui s'adressait cette fois, non pas à tel ou tel public restreint de révolutionnaires de grande ville, mais au pays tout entier, a compris que l'occasion seraitfortmauvaisepour prêcher la suppression de l'armée. Il a mieux aimer agir en opportuniste. Un certain nombre de ses membres ont dû trouver sa.proclama tion un. peu terne. lisse ,dM.Ql»magorpnt, mais en choisissant leurs auditoires, et les plus vio lents d'entre eux, s'ils se présentent aux col lèges électoraux, surtout à ceux de province, attendront probablement pour dévoiler le fond de leur pensée que les élections générales soient faites. Sur un autre sujet encore, les auteurs du manifeste ont évité de trop accentuer leur programme. Ils n'ont pas osé réclamer, en tou tes léttrès, l'abolition de la propriété indivi duelle. Assurément, il ont durement traité le « capitalisme». Mais cette expression est des plus commodes, et chacun peut la comprendre comme il veut. Le Conseil national s'est d'ail leurs chargé lui-même de la commenter. Il a pris ses précautions pour qu'elle n'effrayât pas le moins du monde la masse des électeurs. La...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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