Extrait du journal

Français et Hollandais mêlés. En dépit des courants d'air traîtres qui glissent au ras du sol, une attention soutenue,'ami cale. Trois coups de gong ; l'orchestre vient se ranger sur la scène. De quoi se compose-t-il, le bam lang ? d'aucun des instruments que connaissent nos oreilles occidentales: des gongs de tailles diffé rentes: le kromong, carillon aux deux rangs de cloches, le gambang, caisse sonore aux lamelles de bois, des tambours aux sons voi lés, des sistres et d'étranges violes aiguës. -Un chant s'élève, assez monotone, sur un registre élevé ; un contre-chant, à la basse, s'emmêle à lui comme une liane. Une sym phonie compliquée, sinueuse, aux multiples reprises, qui fait penser à une lente incan tation. Et les danses commencent : une suite de saynètes assez courtes, de genres très variés. Chez les danseuses cambod giennes, le caractère à peu près exclusif est le hiératisme, la solennité ; chez les Laotiennes, une allure plus joyeuse, plus mouvementée. Mais ici, chez les Balinaises, les caractères sont mêlés, comme si les diverses influences ethniques qui se sont fait sentir dans les îles de la Sonde se marquaient aussi dans l'art chorégraphi que. La première "pièce est sur le mode danseur, seul debout au milieu de la scène, est entouré des danseuses accroupies, dont tout le corps, depuis le buste jusqu'au bout effilé des doigts, on dule à la cadence de la mélodie. Puis une femme vient à lui, tourne autour de lui, danse des pas lents et compliqués ; une autre vient, une autre encore. Et un chant éclate, aigu et religieux, auquel on ne se trompe point : un chant d'amour. Une ex trême simplicité de symbole dans une extrême complexité technique, voilà ce qui frappe. Cette chorégraphie rappelle ce qu'on pourrait appeler la chorégraphie des animaux : la scène que je viens de dire, ne serait-ce pas la danse amoureuse des faisans ?...