Extrait du journal
Il n’est peut-être pas inutile de revenir sur les critiques qui sont dirigées contre la législation sur la presse en général et contre la loi sur la diffamation en parti culier, à l’occasion d’un procès criminel dont le plus clair résultat a été de mettre les esprits en train de réformes législa tives. Le Code pénal et le Gode d’instruc tion criminelle avaient d’abord été soumis à un examen méfiant et à un jugement sévère. La loi sur la presse devait avoir son tour. Elle a plus ’ de peine que les Codes à se défendre ; car elle n’est pas des meilleures. Elle présente des lacunes, elle laisse des faits graves, dangereux, sans aucune répression. Elle est surtout mal appliquée et d’une manière intermit tente. Mais quand on met sur son compte la manie d’homicide dont une partie de la société paraît atteinte, et la manie d’in dulgence dont le jury donne des preuves incontestables, nous craignons que l’on ne fasse fausse route, et que l’on ne cède à la tendance assez commune qui nous porte à nous en prendre aux lois lorsque nous ne savons trop à qui nous en pren dre. La loi qui punit la diffamation ne mé ritait vraiment Ni cet excès d’honneur ni cette indignité. On s’en va répétant que la diffamation n’est pas réprimée ou qu’ellè l’est d’une manière dérisoire, et que c’est là ce qui induit à mal les personnes jalouses de leur honneur et qui se voient insuffisam ment protégées. Onajoutequela presse fait le plus condamnable abus des privilèges que la loi lui assure, et que ce sera un beau jour que celui où elle sera soumise au droit commun. On néglige seulement de nous dire ce que c’est que ce droit commun qui doit faire merveille. Le droit commun, en matière de diffamation, c’est une bonne loi sur la diffamation. Nous ne connaissons pas de meilleure définition que celle-là. Que l’on nous dise donc en quoi notre loi sur la diffamation est mau vaise, et sur quels points elle doit être réformée. Nous savons bien qu’il y a la question des cartes postales. La Cour de cassation a rendu sur ce point un arrêt qui a été fort critiqué, et que, pour notre part, nous trouvons parfaitement juridique, étant donné le texte actuel de la loi. Il est certain qu’actuellement la diffamation par carte postale n’est pas punissable, parce que la publicité légale fait défaut. La Chambre des Députés est déjà saisie d’une proposition de loi destinée à combler cette lacune. On a le tort, selon nous, d’y viser spécialement la carte postale ; car la carte postale n’est pas la seule coupable, efr, si l’on peut diffamer impunément par ce moyen, on le peut aussi à l’aide d’une adresse de lettre ou d’un écrit remis ou vert chez un concierge. U faudrait donc prévoir les faits de cette nature par une formule générale qui élargirait la défini tion légale de la publicité, et non faire une petite loi pour un petit cas tout par ticulier. Mais ce n’est pas cette question toute spéciale et facile à régler, qui sou lève les critiques ardentes dont la loi sur la presse est l’objet. Ce que l’on pré tend, c’est que fonctionnaires ou particu liers, lorsqu’ils sont diffamés par 1» voie de la presse ou d’une autre manière, ne peuvent compter sur une réparation sé rieuse, sur une répression vraiment effi cace, et qu’ils sont réduits à dévorer leur injure ou à la venger par des pro cédés violens. Pour les fonctionnaires, il y a, §n effet, une situation particulière, en ce sens qu’ils sont obligés de s’adresser au jury pour obtenir justice, et qu’ils ne l’obtien nent pas toujours. Surtout ils craignent de ne pas l’obtenir, et la défiance que leur inspire cette justice aléa toire les amène souvent à opposer aux attaques dont ils sont l’objet un dédain apparent qui n’est' ordinaire ment qu’une colère diésimulée. C’est une situation fâcheuse sans doute, parce qu’elle laisse l’autorité sans défense et aussi parce que, en expliquant l’abstention des fonctionnaires irréprochables qui se laissent diffamer sans se plaindre, elle...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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