Extrait du journal

Dès que la lune apparaît au sommet du coteau, il s'endort, et les pins, brusquement* apaisés, bercent, de leurs bruissements insensibles, son sommeil. Tout repose et l'eau qui, à travers les feuillages, luit dans les abreuvoirs, reflète, sans une ride, l'as tre poursuivant sa ronde, en silence, au milieu des étoiles. Mais sitôt que l'aube trace à l'horizon sa ligne pourprée, le mistral, délivré du sortilège nocturne, sort de son repaire aérien, et, tout, à l'instant, se transforme ; les ramures s'agitent, les branches se heurtent, les troncs s'incurvent et se tor dent. •Irrésistible et bondissant, il soulève la poussière des routes, s'en empare, la dis perse à travers l'espace mêlée aux feuilles arrachées, aux fumées échevelées, ou la rassemble et la rabat en poudre lumineuse sur les champs d'oliviers. 11 se heurte aux cyprès alignés pour briser son élan, les franchit, tombe sur les maisons dont s'en volent les tuiles, dont battent les volets et les portes ; il s'engouffre sous les han gars, s'ébroue sur les meules de paille qu'il renverse, et, couvert de brindilles do rées, grisé de soleil, il reprend sa course effrénée. Une vallée s'ouvre devant lui, il s'y précipite. Une petite ville apparaît, dorée, heu reuse, alanguie, devant le Rhône, qui lui sert de miroir. C'est jour de marché. La foule grouille sur la placette ; les carrio les des paysans sont là, brancards levés. Ah ! le mistral va s'amuser I II arrive en...