Extrait du journal

PAR L'ÉLECTRICITÉ 11 faut, pour traire une vache, un apprentissage, un tour, un effort doux qui donne à la trayeuse l'air de faire tinter une cloche. Les dieux, dans des temps reculés, apprirent ce geste aux hommes ; comme toute la coutume des champs, il est antique et un peu auguste. C'est en 1904 seulement que des vachers, plus semblables à des ingénieurs sortis de l'Ecole centrale qu à Apollon gardeur de troupeaux, auront entrepris d'extraire le lait avec une dynamo. L'appareil se compose d'un moule en gutta percha, prolongé par un tube, où une machine, mue à l'électricité, fait le vide. C'est propre, prompt et parfaitement antiseptique. Des gra vures et un texte explicatif ont paru, notam ment, dans une revue scientifique éditée à Francfort, et intitulée Die UmschaU. Les vaches témoignent un plaisir nouveaif de cette inven tion. La raréfaction de l'air.et la pression du moule leur donnent le sentiment qu'un veau leur est né, et qu'elles le nourrissent. Elles en marquent, tant leur cœur est bon, une allégresse extrême. On voit ces excellentes bêtes tourner la tête pour lécher le récipient dont elles se croient mères. Les personnes qui ont assisté à cette scène ont été pénétrées de sensibilité. .Elles s'accordent à penser qu'en développant par un exercice quotidien le sentiment mater nel chez la vache, le mécanisme a tout au moins une haute portée morale. L'entretien et le maniement d'un appareil ingénieux supposera, chez les vachères, une forte instruction secondaire. Voilà un dénoue ment auquel M.Brieux n'avait pas pas pensé en écrivant Blanchetlc. Blanchette ayant obtenu son brevet supérieur, revient chez son paysan de père, qui, les larmes aux yeux, lui confie la ma chine à traire. Le temps est passé de Robin et de Marion,et des rustaudes de Bastieq-Lepage. Le chevalier de Florian ne reconnaîtrait plus ses bergères. Que les esprits arriérés regrettent le cotillon court et les sabots crottés ! La vachère de l'avenir sera une manière d'employée, qui appuiera scientifiquement sur un bouton : quel que chose comme une demoiselle du téléphone. HENRY BIDOU....