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Journal des débats politiques et littéraires, 22 mai 1839

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Journal des débats politiques et littéraires
22 mai 1839


Extrait du journal

se passât sans qu'il fût apporté un remède au mal. Nous faisons donc des vœux ardens avec MM. Defitte et Feray pour que les Chambres soient sans retard saisies de la question. A la faveur des machines à filer que les An glais ont récemment inventées, et qu'ils ont rapidement multipliées chez eux, notre marché national est-inondé de fils et de toiles britanniques. C'est une fabrication ruinée en France" et qu'il faut relever, car le nombre des familles qui sont intéressées à sa prospérité est in-i calculable. Désormais le principal et l'unique encoura gement que les gouvernemens doivent à l'industrie ne saurait consister dans des droits d'entrée excessifs. On sert mieux l'industrie en lui ouvrant des voies de trans ports perfectionnées qui réduisent- les frais dans une forte proportion, en facilitant l'établissement d'institu tions de crédit qui lui fournissent le nerf de la guerre, et en répandant l'enseignement pratique, et professionnel qui forme le personnel des manufactures. Sous ce triple rapport, il faut le dire, et particulièrement pour ce qui concerne les voies de communications, le gouvernement de juillet aura bien mérité du pays. Mais quelle que soit la fécondité de celte triple protection par des routes, . par des institutions de .crédit et par des écoles, faut-il renoncer aux droits de douanes ? Lorsqu'un changement i brusque, imprévu, survient dans une industrie, lors- « qu'elle est subitement révolutionnée défend en comble, lorsque les fabricans étrangers envahissent à i'impro viste le marché français et réduisent des populations nombreuses àla misère, faut-il se croiser les bras et attendre impassiblement que les routes et les canaux soient achevés, que les bauques soient fondées, que les écoles d'arts et métiers soient sorties de terre ? JEa pa- s reil cas d'urgence, n'y a-t-il pas convenance et devoir à ce que les pouvoirs publics s'interposent en établissant i des droits appréciables de douanes là où il n'y en avait que d'insignifians, à moins qu'ils ne préfèrent emprun ter à l'Angleterre sa taxe des pauvres ? On a depuis vingt ans singulièrement abusé des tarifs ' en France. Ou s'en est servi imprudemment pour créer des monopoles. Il ne peut aujourd'hui s'agir de rien de semblable à Fégard de l'industrie des lins et des chan vres. Les leçons du passé ne doivent pas être perdues. Le passé enseigne que des droits qui écartent absolu ment toute concurrence étrangère encouragent les pro ducteurs nationaux non à perfectionner leurs procédés, mais à s'endormir. Le passé enseigne que des droits dont la durée est indéfinie sans que rien puisse en faire pres sentir le terme, sont regardés par les manufacturiers comme des contrats passés à leur profit qu'il n'est plus permis de reviser. Désormais les bons tarifs seront ceux qui, au lieu d'exclure les produits étrangers, se borneront a les empêcher de détruire les fabriques françaises , et ceux qui devront suivre avec le temps une échelle dé croissante, déterminée d'avance, de manière à atteindre dans un nombre restreint d'années un minimum fixé en vue de l'intérêt du fisc auquel il faut pourtant bien que l'on songe, et calculé aussi dans chaque cas particulier d'après les circonstances spéciales à chaque industrie. C'est en ce sens que nous demandons un nouveau tarif sur les lins et sur les chanvres filés et tissés. C'est ainsi que nous entendons la liberté du commerce. C'est ainsi seulement qu'elle est praticable. Des droits gradués de 10 à 15 et à 20 pour 100 sont des droits qu'un libéra lisme éclairé ne peut réprouver, surtout si après un délai d'une dizaine d'années ils sont réductibles de moitié ou d'un tiers. Le tarif de l'association allemande qui est réputé fort libéral dépasse ce taux en principe et le dépasse pius encore dans l'application. Plût au ciel que la libérale Angleterre se contentât réellement de 20 à 30 pour 100 sur nos soieries et sur nos objets de goût ! Plût au ciel qu'elle n'exigeât que 100 pour 100 de nos vins et eaux-de-vie ! On sait en effet qu'elle les a frappés de droits quadruples ou sextuples de leur va leur. Si l'on mesure l'importance des diverses branches de l'industrie nationale par le nombre des bras qu'elles OC-Ï capent, par le capital qu'elles représentent, par l'étendue qu'elles embrassent, il n'y en a qu'un bien petit nombre 3ai puisse passer avant celle qui comprend la culture es lins et des chanvres, leur filature et leur tissage. Le mal de celte industrie, la cause de son délaissement, c'est qu'elle est morcelée à la fois dans la culture et dans la mise en œuvre des produits bruts du sol; c'est que, dans son apparence, elle n'a rien de grandiose, rien qui saisisse le regard. Au lieu de remplir quelques grands ateliers qui frappent la vue par les hautes cheminées de leurs machines et par leur masse, elle est disséminée dans toutes les chaumières, au coin des plus humbles foyers et dans de modestes fabriques. Il lui manque ainsi cette pompe extérieure qui a fait la fortune de l'indus trie des fers, .qui protège les manufactures de coton nades et qui sauvera le sucre de betteraves. Mais l'appui . des hommes éclairés, de ceux qui, sans s'arrêter à l§....

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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