Extrait du journal

THÉATREHFRANÇAIS. « Chatterton. Madame Dorval. Voilà donc ce que deviennent les plus beaux drames mo dernes ! Laissez-les reposer quinze jours, et c'est à peine si vous les pouvez reconnaître ~ tant vous les trouvez chargés de rides ; l'œuvre est vieille à l'instant même. On dirait que quelque funeste maladie a passé par-là, enlevant les êhe veux,les dents, le visage, tous les mensonges de cette beauté anéantie. Ce qui vous charmait la veille vous re pousse le lendemain; ce qui était sourire est devenu gri mace ; les larmes mêmes que vous répandiez avec tant de complaisance, ces larmes d'abord si douces, vous les en foncez de toutes vos forces dans votre orbite rougie. Est-ce bien là ce même drame qui vous paraissait si beau hier en core? Est-ce bien là la même passion qui vous faisait fris sonner des pieds àla tête? Que tout ceci est lourd, insipide ! Que toute cette œuvre est terne et maladive ! Et comment cela se Cuit-il que tant d'intérêt ait été remplacé par tant ; d'ennui ? Moi, je vais vous le dire. Cotte vieillesse prématurée qui j menace toutfes choses, excepté les chefs-d'œuvre, s'explique très bien par ce seul mot : le hasard ! et par cet autre mot : le paradoxe ! Vous voulez porter de grands coups et à tout prix sur l'intelligence.du spectateur, alors vous vous jetez la tête la première dans l'abîme des choses impossibles. Vous mentez sans pudeur ni vergogne ; vous faites du beau le laid, de la vertu le crime , de la courtisante l'honnête femme, du bossu l'Apollon, de la vieille femme la Vénus nouvelle ment sortie de l'écume des mers. Vous êtes hardi tant que vous pouvez l'être;'vous poussez votre paradoxe et votre audace dans les plus obscurs mystères de l'âme humaine. La chose vous: réussit tout d'abord. Tout d'abord le spectateur s'étonne et s'épouvante ; vous prenez pour de l'admiration cet élonnement et cette épouvante. À la faveur (le ce pre-...