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Journal des débats politiques et littéraires, 24 mai 1838

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Journal des débats politiques et littéraires
24 mai 1838


Extrait du journal

Il est difficile, en effet, d'imaginer une objection qui, à l'origine, n'ait pas été mise en avant pour repousser cet admirable projet. On a prétendu, par exemple , que le canal latéral serait parfaitement inutile et que la Garonne, même dans l'état de nature, complétait suffi samment, avec le canal du Midi, les communications entre l'Océan et la Méditerranée. Cette incroyable asser tion, vivement soutenue, on ne sait dans quels intérêts, n'a pu résister au plus léger examen. De Toulouse au confluent du Tarn, sur une distance de vingt lieues, la Garonne ne présente qu'une suite de hauts fonds sur lesquels elle offre deux pieds d'eau à peine, et çà et là moins d'un pied, tandis que les barques du canal du Midi exigent six pieds d'eau. Du confluent du Tarn à Agen l'état de la rivière est un peu plus tolérable ; mais on ne pourrait y obtenir plus de la moitié du tirant d'eau nécessaire aux embarcations du canal du Midi. Les ad versaires du canal, battus encore sur ce point-, ont affirmé qu'à partir d'Agen le canal devenait superflu. Ils1 ont cité les bateaux à vapeur qui, en effet, remontent jusqu'à cetle ville. La commission a donc soumis à une investigation particulière l'état du fleuve au-dessous d'Agen et les espérances qu'autorisaiènt, pour cette par tie de la Garonne, les améliorations en lit de rivière qui s'y poursuivent avec succès. Elle a ainsi acquis la conviction que quatre pieds d'eau partout à l'étiage étaient le maximum qui serait atteint lorsque les per fectionnemens en lit de rivière seraient achevés. Elle a donc été conduite forcément à cette conclusion que le canal tout entier, "entre Toulouse et Castets sur un déve loppement de cinquante lieues, y compris un petit em branchement sur Montauban, était indispensable, et qu'à cette condition seulement le plan de Louis XIV serait réalisé. Le canal latéral a même trouvé des adversaires assez courageux pour affirmer, à la face du soleil, qu'il ferait la ruine de Toulouse, et assez habiles pour exciter un instant l'antipathie de la population toulousaine contre ce bel ouvrage qui doit, au contraire, vivi fier Toulouse et élever cette populeuse cité au rang de métropole industrielle du Sud-Ouest. En exploitant des sentimens de rivalité locale entre Toulouse et Bordeaux, on avait passionné les intérêts toulousains pour le canal des Pyrénées qui lierait Toulouse à Bayonne, à l'exclusion du canal latéral. Mais cette funeste jalousie s'est bientôt calmée. L'esprit de parti qui n'était pas resté étranger aux-manœuvres à l'aide desquelles on l'avait provoquée, a été déjoué par le bon sens des Toulousains, et aujour d'hui le canal latéral sera accueilli comme un immense bienfait à Toulouse comme à Bordeaux. Dans l'une et l'autre cité, dans la vallée entière de la Garonne et dans tout le midi, il témoignera de la sollicitude du gouver nement de Juillet pour réparer les omissions et les in justices des gouvernemens, ses devanciers. Au surplus il n'est rien préjugé contre le canal des Pyrénées. Tout porteàcroire, au contraire, que cette ligne qui intéresse des populations nombreuses et qui réunit tous les carac tères de l'utilité publique, ne tardera pas à être prise en considération par le gouvernement et les Chambres. Le ministre des travaux publics, en présentant le projet du canal latéral à la Garonne, n'avait pas oublié les réclamations auxquelles donnent lieu les tarifs actuellement en vigueur sur le canal du Midi ; il avait compris que ces tarifs qùi sont onéreux au commerce et désastreux pour la compagnie du canal du Midi elle-même, devaient être réduits, et qu'en raison des bénéfices que le canal latéral doit attirer au canal du Midi, l'administration était en droit d'insister pour que cette réduction eût lieu sans délai. La commission-est pleinement entrée dans la pensée de l'administration ; elle l'a formulée en termes plus précis en invoquant la faculté de révision des tarifs que le décret du 10 mars 1810 réserve au gouvernement. Nous ne doutons pas que la compagnie du canal du Midi, qui, sous beaucoup de rapports, fait maintenant preuve de lumières, ne sente quels profits lui rapporteraient des procédés plus libéraux à l'égard du commerce, et qu'elle n'acquiesce aux propositions équitables, lucratives pour elle-même, que lui adressera le gouvernement. Ce que le canal latéral fera dans le sud-ouest, le canal de la Marne au Rhin l'opérera dans le nord-est. Avec le premier, nous tirerons parti de notre situation en tre l'Océan et la Méditerranée, avec le second, nous utiliserons notre belle position en tête du continent eu ropéen , entre l'Allemagne et la mer. De toute part on se dispute le privilège de fournir à l'Allemagne centrale un débouché soit vers la mer du Nord, soit vers la Méditerranée, La Hollande y prétend, par Rotterdam et la ligne du Rhin; la Belgique, par le chemin de fer d'Anvers à Cologne et la navigation fluviale, et par le canal du N»rd, commencé du temps de l'Empire sous le nom de Canal-Napoléon. L'Autriche y aspire au moyen d'un chemin de fer de Trieste au Danube. Le canal de la Marne au Rhin nous fournira le moyen de soutenir victo rieusement la concurrence de tous. Les chiffres auxquels la commission a été conduite par des calculs dignes de confiance, ne laissent, à cet égard, aucun doute. Par là, nous pourrons lutter contre les tendances de la ligue commerciale des douanes prussiennes. Cette association a fait une profonde blessure à notre commerce et à no tre industrie. Bien plus, ne peut-on pas se demander avec la commission, si, par cette concentration des in térêts germaniques, la politique suivie par la France depuis Henri IV, et maintenue par elle avec persévé rance à travers toutes ses vicissitudes et toutes ses ré volutions, ne reçoit pas une directe et dangereuse atteinte? Par le canal de au Rhin qui, aa moyen de travaux antérieurs ou d'une réalisation prochaine, rattachera Strasbourg, sans solution de continuité , à l'embouchure de la Seine et à celle de la Somme, et par le canal du Rhin et du Rhône au Danube, que nous n'attendrons pas long-temps, nous commencerons à re conquérir en Allemagne notre ancien rang commercial, et aussi à y regagner par degrés notre influence politi que. _ Mais le canal de la Marne au Rhin se recommande surtout par les services qu'il rendra sur le territoire français. Le réseau de notre navigation intérieure a peu pénétré jusqu'à présent dans nos départemens du nord est, quoique le Haut et le.Bas-Rhin, la Moselle, la Meurthe et la Meuse soient des pays intelligents et actifs, riches de l'industrie agricole, non moins riches de l'industrie manufacturière. C'est là que le prix des céréales est le plus bas. On y rencontre à chaque pas des établissemens industriels de toute espèce, forges, filatures, grandes verreries. Dirigé perpendiculairement aux principaux cours d'eau, le canal de la Marne au Rhin coupera les vallées de la Meuse, de la Moselle, de la Meurthe, de la Sarre et le canal du Rhône au Rhin. U s'embraacbera aussi avec divers canaux qui doivent...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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