Extrait du journal

VENDREDI 24 NOVEMBRE Le Sénat a procédé aujourd'hui à l'élec tion de deux sénateurs inamovibles. On trouvera plus loin les détails de la séance, dont voici les résultats : un premier tour de scrutin n'a donné la majorité absolue, qui était de 144 voix, à aucun des candi dats; MM. Renouard et Alfred André ont obtenu chacun 143 voix; M. Chesnelong, 142; M. le général Vinoy, 133; MM. Le Play, Dumas et Vackerot, chacun 1 voix. Au second tour de scrutin, M. Chesne long, ayant obtenu 147 voix, a été élu. Au troisième tour, qui a été clos à. dix heu res du soir, M. Renouard a été élu par 140 voix. Une dépêche de Berlin annonce que le marquis de Salisbury a vu le prince de Bismarck, et que celui-ci a déclaré « sa ?> ferme résolution de garder une complète » neutralité dans le cas où un conflit » viendrait à éclater. » Le prince de Bis marck n'a pas caché ses sympathies pour la Russie ; il les a fait au contraire sonner très haut ; il a dit que ces sympathies étaient telles, que le cabinet de Berlin ne pouvait même pas « se faire l'intermé- ; » diaire de conseils à adresser au cabinet » de Saint-Pétersbourg. » Bien que ce soit à la franchise et même au courage de leurs bons conseils qu'on reconnaît les vrais amis, nous comprenons que le cabinet de Berlin ne veuille pas se faire l'organe officiel des désirs de l'Europe : en passant par sa bouche, ils auraient l'air d'être des exigences. Comment douter, d'ail leurs, -de la sincérité des sentimens qui unissent l'Allemagne à la Russie ? Tout ce que ' l'Allemagne a pu faire dans le monde, ne le doit-elle pas en grande partie àla neutralité favorable de la Russie? M. de Bismarck n'est pas un homme po litique de l'école des idéologues ; il a com pris depuis fort longtemps que, pour avoir en Europe la puissance d'action dont il avait besoin afin de réaliser ses grands desseins, une alliance sûre, immuable, était nécessaire. Il a trouvé en Russie les alliés qu'il lui fallait, et il faut reconnaître qu'il a très galamment acheté leur amitié, par les services qu'il leur a rendus, en 1863, lors de l'insurrection de la Pologne. Nous ne rappelons pas ces souvenirs pour le seul plaisir de faire un récit : ils ont eu sur les dernières, années de l'Europe une influence considérable, et tout fait croire que le terme de cette influence n'est pas encore atteint. On se rappelle qu'après la guerre de Crimée un rapprochement diplomatique s'est produit entre la France et la Russie. Le gouver nement français ne méconnaissait pas les avantages qu'il pouvait retirer d'une alliance russe, et l'amitié commençait à naître lorsque le malheureux soulève ment de la Pologne est venu troubler et compromettre des projets qui ne man quaient point de sagesse. Le gouverne ment français a montré alors une indé cision et une faiblesse que le gouver nement anglais a, du reste, parfaitement imitées, et la Russie n'a trouvé en Europe qu'un allié résolu, la Prusse de M. de Bis marck. Nous n'avons pas à raconter les détails de cette jeune histoire ; il suffit d'y faire allusion pour être compris. La politique de M. de Bismarck avait elle pris, dès 1863, le caractère arrêté qu'elle a eu depuis? Nous l'ignorons;...