Extrait du journal
PARIS, 25 MAI. Une pétition relative aux courtiers de commerce a occupé aujourd'hui le commencement de la séance de la Chambre des Députés. Les courtiers de commerce ont un privilège, c'est-à-dire que leur nombre est détermi né , et que, comme les notaires, les avoués, les agens de change, les greffiers, ils jouissent du droit de trans " mettre et de vendre leur charge. Ce droit leur a été re connu par la loi des finances de 1816. Des. négocians de Marseille se sont adressés à la Chambre pour demander qu'on augmente le nombre des courtiers établis dans cette ville. Des négocians de Dunkerque ont été plus loin ; ils ont demandé l'abolition même des offices de courtiers. Dans un rapport très développé, l'organe de la commission des pétitions, M. Corne, a soutenu et forte ment appuyé les vues des pétitionnaires. On conçoit la . gravité de la question. Le rapporteur a eu beau cher cher à mettre hors de cause les notaires, les avoués, les agens de change, tout ce qu'il a dit contre la vénalité des charges retombait sur le corps entier des officiers ministériels. M. le ministre du commerce a défendu énergiquement les courtiers de commerce, et la Cham bre, malgré l'insistance du rapporteur, a passé à l'ordre du jour. Mais, nous l'avouons , nous avons vu avec regret que M. le ministre du commerce et les orateurs qui ont combattu les conclusions du rapport aient si aisément cédé sur le principe, en reconnaissant que la vénalité des offices était en elle-même une mauvaise chose. Nous trouvons, pour nous, qu'il ya de meilleures raisons à donner contre l'abolition des charges privilégiées que le prix énorme qu'il en coûterait à l'Etat pour les racheter. .Douze cent millions à débourser pour désintéresser les titulaires, ce serait un peu cher sans doute. Si, pour -tant, l'intérêt général demande l'abolition des offices privilégiés, si c'est une chose fâcheuse, déplorable, que la vénalité des charges, faudra-t-il à tout jamais s'ar rêter devant une simple difficulté d'argent et sacrifier le bien public à des intérêts particuliers ? Ces charges ne sont pas instituées pour ceux qui les possèdent ; l'u tilité que le public en retire légitime seule leur établis sement. Au fond la vraie question est de savoir si l'état actuel des choses offre plus de garanties à la société que n'en offrirait le principe absolu de la liberté et de la concurrence appliqué à ces professions qui ne sont pas des professions ordinaires, mais bién des offices publics. L'expérience, selon nous, a depuis long-temps décidé cette question. Il ne faut pas que nous nous laissions ef frayer comme des enfans, par ces mots de privilège et de vénalité. Ce privilège, c'est une garantie de mora lité • cette véiialité , c'est une garantie de fortune , c est une'sorte de cens que vous exigez de ceux que vous revêtez d'un caractère public. Voilà la vente. Vous avez des hommes auxquels leur intérêt même, celui de leurs enfans et de leur famille, fait une loi de se concilier l'estime et la confiance publique. Ils se surveillent les uns les autres ; l'honneur du corps est le patrimoine commun ; en manquant aux obligations que leur profes sion leur impose, c'est leur propriété qu'ils attaquent et uu'ils risquent de voir dépérir entre leurs mains. Leur intérêt est étroitement lié à l'intérêt de ceux dont la ! «lientelle est le fond même qu'ils ont acheté et qu ils ne peuvent conserver et faire valoir que par un dévoue ment de tous les jours. Ce que vous appelez privilège et vénalité est précisément ce qui ferme l'entree de ces charges à des aventuriers qui n auraient à perdre que peu de chose en risquant leur honneur. Il n'y a déjà pas trou dans notre pays de ces positions solides où le goût de l'ord<*e, les habitudes de travail et de vie régulière sont en quelque sorte naturelles. Pour tout dire en un mot le public souffre-t-il de ce privilège et de cette vénalité? Ses intérêts en sont-ils lésés ? S'en plamt-on sérieusement ? N'est-il pas vrai, au contraire, qu'a de bien rares exceptions près l'organisation de ces corps a rempli le but que l'Etat s'en était propose , celui d of frir au public des hommes qui fussent dignes de sa con fiance? Que veut-on de plus ? Livrer ces charges qui, encore une fois, sont des offices publies au premier venu : peut-on y songer ? Disons-le donc : il faut conserver les choses comme elles, sont, non seulement parce que les charges sont devenues la légitime propriété de ceux qui les ont achetées avec l'aveu et sous la garantie des lois ; non seulement parce que les titulaires n'en pourraient être dépossédé? qu'après avoir reçu une juste et préalable indemnité eî que le chiffre de douze cent]millions est bien fait pour 'refroidir l'ardeur des ennemis de tout privilège ; mais surtout parce que 1 état des choses est bon, parce qu'il offre àla société les meilleures et les plus sûres garanties, parce que ce prétendu privi lège a sa raison dans l'intérêt de tous....
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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