Extrait du journal

Quatre clowns ennuyés font des gri maces traditionnelles. Ils jouent la l'arce de Guillaume Tell. L'un vise, un arc à la main, la pomme sur la tête de l'autre. Mais l'autre croque en secret un morceau de la pomme. Le but diminue, se réduit à rien, disparaît. On apprend à Chaplin à imiter cette pantomime. 11 mord dans la pomme, comme il doit. Sa figure immobile se crispe de dégoût. II y avait un ver. L'effet est irrésistible. Cet homme simple fait la for tune du cirque, et il ne sait pas qu'il la fait. Il est comique et il l'ignore. 11 n'est de talent qu'à ce prix. Il va passer par une dernière épreuve. Il va, par amour pour une écuyère, rem placer le beau danseur de corde. Il se fait prudemment attacher par une sangle à une corde qui passe sur une poulie fixée au plafond. Il n'a rien à craindre. Mais la sangle se détache et il voit avec horreur que rien ne le tient plus. J'ai vu toute la salle frémir de curiosité et de peur. Enfin il s'en tire. Mais'c'est pour tomber dans le sublime, et donner celle qu'il aime à son rival. 11 faut bien faire quelques conces sions aux sentiments élevés. Cette fin n'est pas excellente. Mais tout le reste est une étonnante leçon de naturel. Des amateurs me disent que Charlie Chaplin n'y a pas mis tant d'intentions. Pour moi, je reste convaincu qu'il a écrit en images sont art poétique. HENRY BIDOU....