Extrait du journal

II il'y a plu» de vacances Ayons le courage de l'avouer : il n'y a plus de vacances. Les vacances, cela vou lait dire que, pendant un mois ou deux, on se désintéressait des hommes, on dait son esprit à la nature, comme un mi roir qu'on ôterait d'une chambré pour le mettre dans un jardin. .Les ministres sé reposaient dans les villes d'eaux; les mon tagnes et les lacs se partageaient les diplomates ; les capitales se vidaient, la Suisse était pleine? Cependant, le monde allait son train, comme un moteur qui mar che au ralenti. On était sûr que, durant ce temps-là, rien n'arriverait, que les' évé nements faisaient trêve, que le destin était endormi. La sérénité de la saison s'ajoutait au repos des peuples, et, comme un signé de ce calme immense, le serpent de mer; .remontant du/fond des abîmes, déroulait un instant ses anneaux, à la surface dés océans paisibles. Ces temps sont finis. Quels jours peut on imaginer, plus remplis d'affaires graves et de questions, capitales que ceux de ces dernières semaines ? Les Chambres siègent encore, avec plus de tumulte que jamais. Si l'on veut constater qu'il n'y a plus de vacances, il suffit d'écouter les conversa tions de ceux mêmes qui voudraient s'ima giner qu'ils en prennent. Elles ne sont plus libres, badines, oisives, mais pleines de réflexions soucieuses. Autrefois, alors même qu'on discutait des choses de la politique, ces discussions avaient surtout pour objet de satisfaire à ce besoin de s'opposer qu'éprouvent, par moments, des gens qui vivent ensemble. C'étaient des combats innocents. Les différents carac tères goûtaient le soulagement de rompre des lances. L'Optimiste et. le Pessimiste se faisaient pendant, comme deux person nages d'estampe. Lequel valait le mieux? Pour moi, j'ai toujours vu les pessimistes justifier la noirceur de. leurs pronostics par une prétention à l'intelligence qui n'é tait pas forcément fondée, et les optimistes être surtout prêts à supporter avec cou rage les maux qui ne les touchaient point. Maintenant, c'est tout autre, chose. 11 ne s'agit plus de combattre pour telle ou telle doctrine, comme un chevalier pour sa dame. Les gens font des constatations plus importantes que leurs opinions. Ils voient le développement des sciences, par les armes prodigieuses qu'il donne au mal, menacer l'humanité du plus grand danger auquel elle ait jamais été exposée. Ils voient, un monde désordonné aller au hasard. Ils voient s'écrouler,'dans le bruit des mots, l'antique sagesse des hommes. 11-ne s'agit...