Extrait du journal

LA JOURNÉE D'HIER Attendue avec inquiétude, elle s'est achevée, dans la rue au moins, sans incidents trop graves. Paris n'a. pas eu sa journée. C'était d'ailleurs à pré voir : celles qui sont annoncées si longtemps à l'avance sont rarement des «journées», et c'est même pour cela que le Premier Mai aura si peu duré. Il serait injuste de ne pas reconnaître que c'est à la police que.revient pour une large part l'honneur d'avoir maintenu hier dans les rues de Paris une tranquillité relative. Une fois de plus, on a pu voira quoi se réduit une manifestation. M. Cornély nous expliquait, il y a quelques jours, comment elle s'organise ; la journée d'hier a prouvé qu'avec un peu de prévoyance il n'est guère plus difficile de la réprimer. Mais si, presque partout, la rue est . restée calme, l'agitation était dans les esprits. Enervé et inquiet, on s'attendait à tout. D'un quartier à l'autre, les plus fâcheuses nouvelles trouvaient créance. Pendant que, rue Royale, on annonçait une émeute au quartier Latin, on racontait, dans les brasseries de la rive gauche, que, près de la Madeleine, le peuple incendiait les kiosques à journaux. L'incident, en réalité, s'est réduit à'peu de chose. On a brûlé, il est vrai, quelques feuilles révisionnistes ; mais les dissensions politiques n'excluaient pas tout sentiment d'humanité et, pour indemniser les camelots privés ainsi de leur gagne-pain, une quête a été aussitôt organisée par les auteurs de cet autodafé. .- . Comme toujours, on a vu quelques femmes fourvoyées, plus ,ou moins volontairement, au plus fort de la mêlée. Tous les journaux signa lent une dame à cheveux blancs qu'un coupé cor rectement attelé promenait sur la place de la Concorde; mais ils ne.donnent pas tous.le même récit de l'incident. D'après les feuilles révision nistes, le.coupé aurait été assailli par des énergu mènes qui auraient menacé la dame de la jetèr à terre si elle se refusait à acclamer l'armée. Les journaux antirevisionnistes racontent, au con traire, que la dame se promenait fort tranquille et que, sur son passage, la foule se découvrait en .criant : « Vive l'armée l » Il est impossible de sa voir laquelle est exacte de ces deux versions....