Extrait du journal

Je passais hier devant un lycée de jeu nes filles. Ce n'était pas un de ces lycées d'Etat, aux façades sombres, d'où sorti ront de futures professeurs de latin ou de mathématiques. Non, le cours secondaire devant lequel je me trouvais ne semblait point austère ; la vigne vierge montait gracieusement à ses murs ; son jardin est encore orné de fleurs. Une cloche tinta, dont le son était argentin. Tout à coup, les jeunes filles sortirent de ce nid d'études, comme des hirondelles vives, pressées de rejoindre un autre climat. Elles firent ainsi cent mètres à peine, puis se groupèrent. Leurs bras étaient pri sonniers des livres qu'elles portaient. Bon nombre de ces jeunes filles « pêcheuses de science » se présenteraient au bachot cette année. Elles n'étaient point timides et ma niaient la moquerie avec allégresse. Un professeur de physique fut durement pris à partie ; les rires fusèrent ; puis, bientôt, on cessa, de parler de la « boîte » ; on discuta cinéma, on se fit des confidences à voix basse. Je regardais, non sans attendrissement, cette jeunesse studieuse, court vêtue, le buste serré dans une veste de laine, les épaules couvertes à peine, malgré la bise déjà fraîche, d'un manteau léger. Qu'elles étaient heureuses ! Les études elles-mê mes, avec ce qu'elles apportent souvent d'amer (quand on saisit les textes), n'ar rivaient pas à rendre graves leurs fronts unis. Leurs cheveux voletaient sur leurs épaules, le vent, souvent, les embrouillait et leur en voilait le visage ; elles riaient, rejetant les mèches folles derrière l'oreille. Cette coiffure, que le, vent défait, pen sai-je, est l'unique objet de leurs préoc cupations. Toutes les mères le savent bien....