Extrait du journal

Il serait naturellement fort intéressant de connaître l'opinion réelle qu'on se fait de nos élections dans les principaux pays; mais les articles qui ont été publiés à l'étranger à propos du premier tour ne permettent guère d'être renseigné à ce sujet. Soit qu'ils aient été déconcertés par les résultats, soit que, pour ne pas risquer de voir leurs pronostics démentis par les événements, ils préfèrent attendre les ballottages, soit encore, pour certains, qu'ils aient des motifs de tactique diplomatique pour ne pas avoir l'air d'inter venir dans la mêlée .électorale avant sa fin, les journalistes font en général preuve d'une grande réserve. Leurs commentaires ont un caractère remarquablement terne, à tel point qu'on peut se passer de les citer. Il n'en sera peut-être pas de même après le second tour. Alors, sans doute, certaines langues se délie ront et certaines arrière-pensées se feront voir. Cette discrétion, qui ne sera probablement que provisoire, ne doit pas nous induire en erreur. Ne nous figurons pas que nos luttes intestines n'intéressent pas nos voisins et qu'elles n'ont pas de répercussions sur notre situation internationale. On les observe de très près et ceux qui. ne nous veulent .pas de bien ne demandent qu'à en profiter pour pousser leur pointe. Il est d'ailleurs possible qu'on en tire des conclusions exagérées, ce qui est dangereux, car il. peut en résulter un encouragement à une politique aventureuse. C'est ce qui s'est passé en 1914 après-les élections, où l'on crut discerner un affai blissement du cens national et où il y avait dans tous les cas une manifestation d'aveu glément (comme on s'en aperçut bien à la séance où le Cabinet Ribot fut renversé). Encore plus que Guillaume , 11, Hitler est capable de voir dans certaines circonstances politiques une occasion à saisir. Dans un de ses discours du mois dernier, il a dit ceci, qui est pour le moins curieux : « Demain la France peut se donner un gouvernement révolutionnaire. J'ai, le droit de protéger mon pays contre ce risque. » Le Fiihrer a montré plusieurs fois,, en dernier lieu le 7 mars 1936, comment il concevait son droit Une mauvaise orientation de notre politi- ' que intérieure n'est donc pas seulement péril leuse en elle-même, par le mal qu'elle fait directement au pays, mais aussi par la façon ' dont, on peut l'interpréter au dehors. Des étrangers, surtout s'ils sont malveillants et encore plus s'ils sont à l'affût, peuvent igno rer que certaines secousses sont souvent l'an nonce d'un redressement prochain. De grands malheurs ont parfois été causés par la mauvaise apparence que nous donnions de nous-mêmes. Il serait désirable que des con sidérations de ce genre fussent présentes à l'esprit de tous les Français qui voteront dimanche. P. B....