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Journal des débats politiques et littéraires, 30 mai 1829

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Journal des débats politiques et littéraires
30 mai 1829


Extrait du journal

égarer l'action delà justice! N'aura-t-on pas oublié le fond avant même d'être d'accord sur la procédure? La Chambre ne se trou vera-t-elle pas réduite à cette alternative malheureuse ou de passer outre et de se laisser emporter à des coups d'Etat lorsqu'il s'agirait de prononcer en juge , ou de s'arrêter des mois entiers devant des tracasseries de procureur sans cesse renaissantes * N'oubliez pas ce qui s'est passé. Un jour . la Chambre s'avise de vouloir user de son droit contre un ministère détesté. On nomme une commission. A merveille jusques-là. Accusateurs et accusés , tous semblent également satisfaits , de bonne foi ou non , peu im porte. Mais qu'arrive-t-il? Pour savoir s'il y a lieu à accuser, il faut bien entamer une instruction et s'enquérir des faits. La com mission cite des témoins. Les témoins restent chez eux. Us dé clinent la juridiction de la Chambre. Peut-être du moins trouvera t-on dans les mystérieuses archives de chaque ministère des pièces de conviction? Oui, mais les archives sont fermées , même pour les délégués de la Chambre , et voilà la commission réduite à des bruits vagues, à une sorte de notoriété publique. Ce que le juge d'un petit tribunal de province obtiendrait au premier mot, on le refuse aux représentai de la France. Ce n'est pas tout. Vous vou lez accuser? Soit. Mais ayez soin de mener à terme votre procès dans le cours de la même session. Instruction, débats, jugement, que tout, soit fait en six mois ; sinon , il vous faudra recommencer sur de nouveaux frais. Car, d'une session à l'autre, il y a solution de continuité. Ce qui n'est pas fini au joHr de la clôture ne petit être repris l'année suivante an point où on l'a laissé. Nouvel em barras! nouvelle chicane à déjouer! » Voici mieux encore. Un ministre juge à propos de s'allouer, de sa propre autorité, un peu moins de deux cent mille francs pour faire renouveler le mobilier de son hôtel. Cela lui parait si simple , qu'il n'en demande permission à qui que ce soit. On di rait qu'il prend dans sa propre bourse l'argent qu'il tire du trésor public. Un autre commande aux écrivains qifil gage une centaine de pamphlets diffamatoires. Un établissement public se charge de l'impression. Vingt mille francs sont coissacrés à ce bel usage. Or, maintenant que fera la Chambre ? Refusera-t-elle l'argent ? Mais la dépense est faite. Les fournisseurs sont là , leurs mémoires à la main. Accusera-t-el!e les ministres de concussion ? Mais qui dit concussion suppose criminalité, détournement des fonds publics au profit, du coupable! Exercera-t-elle nue simple action civile . en dommages et intérêts , con're les dissipateurs? Mais la Charte ne parle pas de la responsabilité civile des ministres, niais les principes même ne sont pas encore très nettement posés à cet égard. Tout est vague . tout est incertain. Et cependant ce n'est là qu'une faible partie des difficultés que soulèverait, en 1 absence d'une loi spéciale , l'exercice du droit que possède incontestablemenUa Chambre. La seule question de savoir par qui devraient être remplies les fonctions du ministère public auprès de la Cour des Pairs , par la Chambre même nui accuse, par ses délégués, ou par un procureur - général du Loi , est une question immense , vitale eu pareille matière. Tant qu'on n'aura pas obtenu enfin une loi qui règle ces préliminaires , le droit d'accuser courra grand risque de se perdre dans un chaos de chicanes et de procédures. Il ne sera rien qu'une vaine menace, un épouvantail ridicule ; et dix accusations , dirigées ainsi au hasard , suffiraient à peine . non pas même pour arriver à la condamnation d'un cou ]>able, mais pour s'assurer des moyens de reconnaître et de pour suivre la culpabilité! Et cependant y aurait-il contradiction à dire qu'il n'y va pas seulement ici de l'intérêt de l'accusation . mais encore de l'inté rêt de ceux qui pourraient être accusés? Les choses suivent-elles infailliblement ienr cours naturel et probable ? Si la Chambre s'indignait quelque jour de son impuissance , si, dans un moment de colère, elle ressaisissait d'une main ferme l'exercice de son droit, qui sait jusqu'où elle pourrait aller? qui sait si là où les hommes du pouvoir cherchent une garantie , ils ne trouveraient pas un piège cruel? Le silence des lois n'est pas toujours un asile bien sûr. On y supplée. C'est une ter rible chose qu'un tribunal dont les droits ne sont pas clairement déterminés, et qui lui-même est supérieur à tous les pouvoi; : qui atténue à sa fantaisie., on aggrave les peir s : qui se fatigue aisément, il est vrai, mais frappe vite et à coups redoubles. Ceux qui font les lois n'ont déjà que trop de penchant à se croire supé rieurs à elles. Que sera-ce , si la loi est vague , si elle est obscure ? Ne voudrait-il pas mieux, pour les ministres eux-mêmes, savoir .sur quoi compter? Ne se pourrait-il pas qu'ils regre'tassent un jour de s'être trop confiés dans l'impuissance de leurs juges? La loi qui menace et punit n est-elle pas aussi celle qui protège ? On veut faire une loi sur responsabilité avec des préeédens. Ala bonne heure! L'ouvrage seraient, difficile, j'en conviens. Mais malheur à celui tiont la triste histoire formera le premier anneau de cette formi dable chaîne de préeédens!...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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