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Journal des débats politiques et littéraires, 30 mai 1838

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Journal des débats politiques et littéraires
30 mai 1838


Extrait du journal

moyens proportionnés de pénalité et de répression. A cette condition on crée une liberté réelle, et à côté d'elle une responsabilité qui en est la sanction. Pour appliquer ce principe fondamental aux chemins de fer, ne con viendrait-il pas d'insérer dans les tarifs du cahier des charges des maxima assez considérables, ainsi qu'il est d'usage dans les actes à'incorporation d'Angleterre et d'Amérique, en ayant soin de stipuler toujours le droit d'expropriation, et même en fixant au dividende une limite plus efficace et plus sérieuse cependant que celle qui a été introduite dans les cahiers des charges, par une imitation mal calculée de ce qui se pratique pour le chemin de fer de Manchester à Li ver pool? Au risque de passer pour des pessimistes impossibles à contenter, nous ajouterons que le système générale ment admis aujourd'hui de limiter de plus en plus la durée des concessions, nous paraît fâcheux. Les èvéne mens et les révolutions se jouent des efforts des hommes qui veulent fonder â perpétuité ; mais parce qu'il n'y a rien d'éternel sur la terre, est-ce une raison pour re pousser tout élément de stabilité , pour affectionner ex clusivement le provisoire, pour ne rien instituer qui ne soit essentiellement éphémère? Jadis les concessions étaient perpétuelles ; c'est le caractère qu'elles ont con servé encore en Angleterre et même aux Etats-Unis, qui n'ont pourtant pas la réputation d'être la terre clas sique du privilège. Depuis un nombre d'années déjà as sez considérable, on a pensé, en France , qu'il était convenable de stipuler.le retour à l'Etat de tous les tra vaux publics exécutés par les compagnies, après que celles-ci en auraient joui quatre-vingt-dix-neuf ans. Ce délai séculaire semblait avoir acquis l'autorité delà chose jugée. Depuis peu il a été remis en question, et main tenant on s'efforce de lui substituer des termes de plus en plus courts. C'est, nous nous hâtons de le reconnaître, dans une pensée de bien public. Les défenseurs de ce système sont persuadés qu'ils servent la cause de la liberté et qu'ils enrichissent le pays ; mais ils s'abusent étrangement. En tendant ainsi à absorber toutes les res sources de la France entre les mains du pouvoir central, en empêchant qu'il ne surgisse çà et là dans le pays quelques points fixes, quelques associations puissantes , on travaille ail profit de je ne sais quelle tyrannie, quelle centralisation despotique ; on prépare à la liberté un pénible avenir. En accaparant tous les instrumens de richesse pour en donner la disposition au gouverne ment , on arrivera certainement à enrichir le Trésor, mais il est douteux que l'on facilite le développement de la richesse nationale , c'est-à-dire de l'ensemble des ci toyens pris un à un, autant que si l'on s'abstenait d'en tourer d'entraves et de barrières l'esprit d'entreprise. Et puis, de bonne foi, que chacun fasse son examen de conscience, et que l'on dise si tout cet attirail de pré cautions contre les compagnies n'est pas provoqué aussi par un sentiment peu etiarltatile, aont pourtant on ne se rend pas bien compte, par la jalousie, par la crainte qu'on éprouve de voir des associations devenir un jour trop opulentes. Quant à nous qui ne savons pas prévoir les malheurs de si loin, qui voyons l'esprit d'association encore au berceau, nous nous préoccupons sur tout de le voir grandir et se fortifier, afin qu'il féconde le pays. Nous nous inquiétons beaucoup moins des dan gers qu'il pourra présenter lorsqu'il sera devenu démé surément fort, en supposant qu'il soit destiné àle deve nir , que des embarras que l'on sèmerait autour de ses premiers pas, et au milieu desquels il devra inévitable ment périr de langueur. N'est-il pas plus urgent, dans l'état actuel des choses, de lui venir en aide que de porter envie à la prospérité merveilleuse à laquelle on suppose qu'il pourra s'élever un jour? Le devoir des hommes sages et des bons citoyens n'est-il pas de songer, avant tout, aux incalculables avantages que l'esprit d'association, s'il est bien dirigé, rapportera au pays , au lieu de mesurer au microscope les profits qu'il recueillera pour lui-même? Quel mal y a-t-il à ce que des compagnies touchent de gros dividendes, et les touchent pendant long-temps, si le pays retire de leurs travaux des bénéfices décuples, centuples des leurs? Croit-on qu'à côté des compagnies qui s'arrondiront il en manquera d'autres qui, après avoir dépensé des millions au grand bénéfice du pays, n'auront aucun bénéfice pour elles-mêmes? Veut-on que ce soit par patriotisme, par désintéressement, par amour de la gloire que des associations entreprennent des che mins de fer, des canaux, des fabriques? L'unique mobile des sociétés de commerce, n'est-ce pas l'amour du gain? Dès lors les amis de l'esprit d'association ne seraient-ils pas imprudens en faisant tous leurs efforts pour réduire la gain outre mesure? Ne se prépareraient-ils pas des regrets amers, s'ils profitaient de l'engouement qui porte aujourd'hui tous les esprits vers les spéculations indus trielles pour imposer aux associations des conditions qui plus tard entraîneraient la ruine de celles-ci? Encore une fois, avec la faculté de rachat réservée à l'Etat et avec une limite convenablement imposée aux dividen des, quel intérêt si grand peut-il y avoir à dépouiller les compagnies des travaux qu'elles auront effectués ? L'avantage moral et politique qu'il y aurait pour le gou vernement et pour le pays à rendre un éclatant hom mage aux idées de stabilité et de sécurité qu'il serait si essentiel d'affermir, ne compenserait-il pas suffisam ment le bénéfice qui résulterait pour le Trésor de l'en vahissement de tous les chemins de fer par le domaine...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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