Extrait du journal

Ce que je sais bien, en revanche, c'est que j'y ai gagné, pour ma part, la fâcherie du propriétaire. Je m'imaginais lui avoir rendu service en lui faisant obtenir, pour une lo cation de deux ihois, plus que sa maison ne lui avait rapporté en quatre ans et j'esti mais avoir' quelque droit à sa reconnais sance. Ah ! bien oui. J'avais, au contraire, jeté sur son immeuble le pire des discrédits. Pensez donc : avoir induit un Breton à hé berger un Anglais! Et quel. Anglais ! Un être aux allures bizarres, passant une par tie du jour à dormir et la nuit à veiller; un personnage suspect, toujours courbé sûr des livres de magie et ne franchissant jamais le seuil d'une église, bref, un sorcier;!... Quand j'aurais déchaîné dans le pays l'An téchrist lui-même, je n'eusse pas été plus, coupable... Une légende sinistre s'était for mée. Tant que 1' « étranger » demeura en ces parages, il n'y eut accident ni méfait qu'on ne lui attribuât. 11 avait le mauvais œil, il portait malheur aux gens et aux bê tes, il faisait tourner le lait des vaches. Quand il partit, ce fut'un soulagement uni versel. Seul, le propriétaire ne jubila point. Sa maison lui restait sur les bras, et plus dépréciée que jamais. Si elle était hantée naguère, maintenant elle était souillée. Ce n'était plus une réputation compromise, c'était, cette fois, une réputation perdue. Dernièrement on me racontait qu'aujour d'hui encore on y voit, le soir, collée aux vitres, la figure terrifiante de l'Anglais. Ainsi, ô vénérable sir W. T..., apprenez par ces lignes, si elles vous tombent sous les yeux, que vous êtes vous-même promu à la dignité de fantôme. Voilà un résultat de votre hivernage en Bretagne et de vos expériences sur les apparitions auquel sans doute vous ne vous attendiez pas. Pour moi, je me tiens heureux que le paysan ne m'ait point intenté procès, et si j'ai un conseil à donner au lecteur, en ter minant, c'est de ne jamais prêter la main à la location d'une maison hantée. A. LE BRAZ,...