Extrait du journal
Dans sa séance d'hier matin, le Conseil des ministres a décidé la révocation de M. Robin, directeur de l'Orphelinat de Cempuis. Cette mesure rigoureuse a été prise à la suite de l'enquête menée sur place par trois fonctionnaires des minis tères de l'intérieur et de l'instruction pu blique. On ne connaît pas dans ses dé tails le résultat de cette enquête, mais elle a, paraît-il, révélé des faits assez graves pour qu'il fût impossible de lais ser M. Robin à la tête de l'établissement. La résolution adoptée par le Conseil des ministres n'étonnera aucun esprit im partial. En laissant de côté tous les actes d'indiscipline ou d'immoralité qui ont été allégués, à tort ou à raison, par un certain nombre de journaux, eh ne s'en tenant qu'aux méthodes et aux théories pro clamées et appliquées par M. Robin, tous les hommes de bon. sens, considéraient comme pn abus l'existence d'un établis sement public organisé d'après de pa reils principes, s'accordaient à exiger que cet abus ne durât pas un jour de plus. La bonne foi de M. Robin n'est pas en cause. Il est, sans doute, très convaincu, et, lorsqu'il affirme que ces étranges procédés d'éducation seront universellement adoptés dans l'avenir, peut-être a-t-il raison, quoiqu'il nous laisse fort sceptiques. Mais ce n'est pas la ques tion. Un pensionnat d'orphelins n'est pas un champ d'expériences. S'il plaît à des particuliers d'élever leurs enfants de telle ou telle manière, dans leur propre mai son, personne n'a qualité pour les en empêcher. S'il leur convient de confier leurs garçons ou leurs filles à un établis sement privé, cet établissement, pourra appliquer des méthodes plus ou moins aventureuses; encore sa liberté ne sera t-elle pas "entière: il restera soumis à l'inspection des fonctionnaires publics, et son chef sera passible dp mesures disciplinaires si le régime intérieur de l'école porte atteinte à la morale, à la Constitution ou aux lois. Mais une mai son qui relève de l'Etat, du département ou de la commune doit être assujettie à des règles bien plus étroites. Il n'est pas admissible que la fantaisie de son direc teur puisse s'y donner carrière. Et il en est surtout ainsi quand les enfants élevés dans cette maison n'y sont pas placés par la libre option de leurs parents, quand ils ont perdu leur père et leur mère, quand l'autorité rem place à leur égard la famille dont le malheur les a privés. L'Etat et ses agents assument, en pareil cas, une responsabi lité toute spéciale : ils ont doublement charge d'âmes. Leur devoir strict leur commande de ne point se livrer à des expériences sur les pauvres enfants dont ils exercent la tutelle. Et la décision du Conseil des ministres prouve que ce de voir a été gravement méconnu dans 1' « affaire de Cempuis ». Comment a-t-il pu l'être si longtemps? C'est une question qui reste à éclaircir, et que le Conseil des ministres a eu raison de réserver pour prendre, après enquête, telle autre résolution qu'il appartiendra. Que de dangereuses méthodes soient ap pliquées dans une maison d'éducation, que des incidents pénibles s'y produi sent, c'est un fait regrettable, mais qui se conçoit à la rigueur. Ce qui se com prend moins, ce qui n'est pas seule ment l'indice d'un désordre local, ce qui révèle une véritable anarchie administra tive, c'est qu'un tel état de choses ait pu persister pendant plus de dix années, sous l'œil de fonctionnaires et de commis sions chargés de la surveillance de l'or phelinat. Un journal, dont les assertions n'ont pas été démenties, racontait avant hier que, dès 1884, M. Robin avait été l'objet d'une mesure de révocation, et que cette mesure avait été retirée sur le désir des autonomistes du Conseil général de la Seine, malgré les énergiques protesta tions de M. Léon Bourgeois, alors secré taire général de la préfecture. Si le fait...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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