Extrait du journal

Nous avons eu déjà l'occasion de signa ler une mode qui fait que nos contempo rains ne veulent plus du nom qui désigne -leur emploi. Les domestiques veulent être appelés employés de maison, les concier ges gardiens d'entrée. Les employés dé sirent le titre de collaborateurs. Cette mode sévit plus que jamais. Les commis des postes demandent qu'on les appelle désormais secrétaires des postes et télé graphes. Partout des réclamations du même genre s'élèvent. Cela montre, nous semble-t-il, plus de vanité que d'orgueil. La France, si elle ne veut pas déchoir et périr, est acculée aujourd'hui à faire deux ou trois révolutions, qui ne sont, du reste, que des retours à son génie propre. Une de ces révolutions nécessaires, c'est que chacun recommence à aimer ce qu'il fait. Mais comment aimerait-on son métier, si l'on en abhorre le nom ? Ajoutons qu'il y a quelque naïveté dans les demandes dont nous parlions tout à l'heure. Ceux qui' les présentent sont attirés par le va gue et l'abstrait des noms qu'ils désirent. Mais, en peu de temps, ces noms perdent leur vernis, et ils ne sont plus pour nous que le signe de la fonction qu'ils repré sentent. Cependant il subsiste un grand inconvénient : c'est que nous parlons un langage confus et sans loyauté, ce qui serait fâcheux dans tous les pays, mais l'est, mille fois plus qu'ailleurs, dans celui qui a pour honneur d'avoir inventé' la langue la plus claire du monde moderne. Dans ces changements de nom, celui qu'on abandonne est toujours d'un meilleur français que celui qui le remplace. Maître d'école- vaut bien mieux qu'instituteur. On voudrait dire à ceux que dégoûtent le...