Extrait du journal

Battiedore et Shuttiecock • A la rentrée des Chambres anglaises, c’est la guerre, ce grand sport calamiteux, mais, paraît-il, nécessaire, qui a servi de thème aux joutes oratoires ; les ministres responsables, mis sur la sellette, ont eu à défendre leurs inspirations belliqueuses contre les leaders de l'opposition militante. Sous les lambris dorés de Westminster, les nobles Lords et les Honorables se sont livrés, en athlètes parlementaires, à des luttes épiques dignes de Kara Ahmed et de Pytlasinski. i Mais, loin de s’inspirer de l’exemple antique de leurs généraux malheureux qui prennent à leur compte les revers essuyés sous leur commandement, c’était à qui ferait retomber sur son voisin le poids des imprévoyances. Cela fit dire à un honorable membre de la Chambre des Communes, dans une interruption pleine de saveur britannique : « Ces messieurs jouent à Battlcdore et Shuttiecock », c’est-à-dire à la raquette et au volant. Moi qui ne suis pas suspect d'admiration exagérée pour lus emprunts que nous faisons à la terminologie d’outre-Manchc, je trouve à ces deux mots : battlcdore, shuttiecock» une physionomie piquante, une harmonie limitative, un je ne sais quoi de gaiement pompeux, d’élégant, d'orné, qui peint bien cet instrument de bataille amusante qu’est la raquette, et ce petit projectile à plumes de coq qu’est le volant. Cela chante mieux que les mots français. Ces pincesans-rire d’Anglais, quand ils s’avisent d'être plaisants, ne le sont pas à demi ; la partie de volant ministérielle est une trouvaille, elle a déjà fait, ici, le tour de la presse, elle fera peut-être le tour du monde et vaudra à son auteur moins de quolibets que de sourires approbateurs. C’est ainsi que s’établissent les réputations d'homme d'esprit....