Extrait du journal

CE QU’IL FAUT SAUVER I” N ceriain Jean-Bernard Moreau, étudiant à l'Ecole des hautes éludes sociales, affirme que si. par une nuit d'encre, un ban dit «avec ou saps traction) lui met le revolver sous le nez en murmurant : < Aboulé ton fric ». il lui répondra genti- j meut : « Frère bien-aimé, une loi divine m'interdit de faire usage du revolver que je tiens dans ma main et grâce auquel j'aurais pu : vous descendre car je vous ai vu venir. Aussi, voilà mon fric : qu'il i vous serve pour le bien de votre âme. Voici ma peau ; vous pouvez en fair° une descente de lit... » Mais rassurez-vous ! M Jean-Bernard Moreau n'a pas encore rencontré de bandit — du moins dans la rue — car il est en prison, étant objecteur de conscience, c'est-à-dire refusant de porter les armes et. éventuellement, de tuer les bandits internationaux (avec ou sans atomes) qui voudraient, le cas échéant, faire de notre pa trie une descente de lit et de nous des esclaves. Excusez-moi si. campagnard et simple d'esprit, je n'ai pas eom pris le* longues théories que les philosophes, les écrivains et les politiciens de mon pays, interrogés par des reporters habiles, ont développées sur la position dé Jean-Bernard Moreau, objecteur de j conscience. Ce jeune étudiant, qui ne manque ni de courage, ni d'intelli gence. ni de volonté, nous affirme qu'au dessus des lois humaines j édictées par les législateurs de notre pays, il existe une loi divine I qui. impérativement et sans ambages, lui crie. dans les oreilles : depuis sa plus tendre enfance : * Tu ne tueras pas. > Je partage la foi de Jean Bernard en cette loi divine. Cepen- 1 dant. sans posséder ni ses titres, ni son courage, j'estime que la loi divine ne nous impose pas des choses absurdes. Or le comman dement : « Tu ne tueras pas », accommodé à toutes les sauces, ne saurait me satisfaire. Dieu ne peut, par exemple, nous commander dp nous laisser égorger par un gangster. Il nous commande, au contraire, de préserver notre précieuse vie pour nous et pour nos enfants, et. si nous sommes attaqués, de nous défendre. On a même créé l'expression « légitime défense > pour bien préciser qu'en cer tains cas. il est excusable de tuer. La position de Vobjecteur de conscience est légitime quand on j veut lui imposer une guerre injuste, et qu'ainsi on se propose de le j transformer en bandit international... mais elle est insoutenable quand, la nation étant attaquée, il faut la défendre, même en ver sant le sang. Je comprends les Allemands — et ils furent nombreux — qui. jugeant dans leur âme et conscience qu'Hitler voulait asservir le monde, ont préféré les tortures des camps nazis aux combats sur les champs de bataille. Mais je ne saurais admettre qu'un Français de 1914 se soit dérobé et soit resté chez lui quand les bandes alle mandes ont envahi nos marches de l'Est. Qu'il répugne à un chrétien de tuer ? D'accord. Mais il doit d'abord considérer si « la guerre » qu'on exige de lui est juste ©u injuste, s'il doit tuer un innocent ou un gangster. Or, ceci, il ne peut le déceler qu’au jour J et à l'heure H. Alors, mais alors seu lement. il peut décider de sa position. En attendant, tout citoven ayant un pacte tacite avec sa patrie doit, en échan* des bienfaits qu’elle lui procure (sécurité, instruction, liberté). Ini rendre la double contribution de l'impôt fiscal et de l'impôt du sang, pour sa défense. . Pierre DUMAS. (Lire la fuite en quatrième page.)...