Extrait du journal

La moralité dans l'industrie Le Temps publie en ce moment une étude intéressante sur la situation ma térielle et morale des ouvriers mi neurs. Cette étude, signée « Hugues le Roux », fait connaître les avances ou les sacrifices faits par une compagnie du Nord en faveur des ouvriers. Le but de l'auteur est évidemment de démontrer que tout le possible est fait, ou peu s'en faut. Or, la condition morale des familles installées dans les maisons de la com pagnie est telle que nous n'osons pas reproduire tout 1 exposé que donne le Temps. Voici les passages les plus adoucis : La compagnie loge, tous ses ouvriers. Elle leur loue des maisonnettes à raison de 1 franc par pièce et par mois. Le coron de Douchy est composé de 739 familles qui occupent en tout 1,965 pièces, ce qui donne par famille une moyenne de 2 pièces 66 et un loyer de 31 francs 92 par an. Les en fants étant nombreux, il y a des demeures où-l'on est un peu entassé, et la moralité n'y trouve pas son compte. J'ai questionné là-dessus M. Dombre, et il m'a répondu en souriant: — On ne peut pas dire que ces gens-là soient immoraux : il n'y a pas l'ombre de malice dans leur cas. La vérité, c'est qu'ils vivent dans une innocence animale. Tout ar rive dans les corons,- sans scandale pour le prochain. M. Zola n'a pas exagéré le mal dans son Germinal. ' Suivent des détails affreux , sur le pêle-mêle dans lequel vivent ces mé nages. Ce ne sont pas dés familles, Ce sont des couples qui durent autant que les caprices. On se prend, on se quitte, on change simplement, tranquille ment ; on enmène les enfants d'un côté ou bien on se les partage ; on se re trouve après s'être séparé. Le mot em ployé par le Temps dit tout : c'est un « chassé-croisé ». Et cette existence animale est tout le contraire de l'exception. C'est l'état commun, à tel point que les dignes bourgeois qui vont le constater le trouvent bientôt tout naturel et se ré signent à le voir persister. Le sort des entants élevés dans ce milieu est fatal. Aussi, le directeur de la mine dit-il au rédacteur du Temps que presque pas une jeune âlle n'arrive pure à cette espèce de mariage ; et, à propos de la précocité de la débauche, le journaliste cite un fait épouvanta ble dont il a été témoin. Qu'est-ce que nous allons donc en seigner aux sauvages, à qui nous ofr frons les bienfaits delà civilisation? Il semblait que la famille fût restée l'honneur des sociétés européennes. Cependant, à proximité des grandes villes et au milieu de la richesse in dustrielle, il y a des populations pour qui la famille se réauit à l'accouple ment temporaire 1...