Extrait du journal
nière lettre, on a tiré un cordon sani taire autour de nous et on laisse nos hommes d'Etat se rengorger sur leur fumier. " * . A quoi tient cet abandon ? D'où vient la répulsion que nous inspirons, nonseulement à tous les gouvernements, mais à tous les peuples ? Comment, à défaut d'amis au pouvoir, n'en avonsnous pas au moins dans les opposi tions des divers pays ? Cette question mérite qu'on s'y arrête, d'autant plus que certains journaux, même parmi les sérieux (le Temps, par exemple) cherchent à donner le change sur les véritables motifs de cette situation à la fois honteuse et pleine de périls. Les journaux auxquels je fais allu sion accusent M. le duc de Broglie d'a voir manqué de patriotisme en étalant notre misère aux yeux du public. — Nous connaissons nos malheurs, di sent-ils ; il serait plus digne d'un vrai Français d'en parler le moins possi ble. — Vous voyez déjà où tend ce re proche : Nos « malheurs » ne vien nent ni de la république, ni de ceux qui la gouvernent ou qui la représen tent. Ils sont une suite de nos défaites de 1870. Personne n'en est coupable, si ce n'est peut-être feu l'empire, et c'est se donner une satisfaction cruelle, inutile, nuisible, antifrançaise, que de revenir ainsi sur les conséquences de nos désastres. Nous sommes en 1883 ; il y a 13 ans que nous avons été vaincus, et s'il était vrai que notre complet isolement vînt uniquement de nos défaites, ce serait un exemple unique dans l'histoire. Il n'est pas vrai d'ailleurs que nous ayons, depuis 1870, toujours été aussi honnis (c'est le mot) qu'à présent. 11 est de fait qu'à deux ou trois reprises il n'aurait tenu qu'à nous d'avoir des alliés. J'ajoute que si M. de Bismarck est aussi ouvertement l'ennemi d'une restauration monarchique en France, c'est parce que le lendemain de cette restauration les alliés ne nous man queraient pas. M. le duc de Broglie avait donc par faitement le droit de demander compte à nos gouvernants actuels de l'état misérable où ils ont mis la France. En constatant notre isolement, ce n'est pas une conséquence de nos désastres qu'il a constatée, c'est une suite de votes républicains ; c'est par-dessus tout un des résultats du caractère ré volutionnaire, radical et athée de la république telle qu'elle est. Une Fran ce révolutionnaire est fatalement vouée à l'isolement ; c'est là une vérité dont on ne saurait trop se pénétrer et qui tient à l'essence même du rôle de notre pays dans le monde. Chose singulière ! M. Thiers en avait conscience jusqu'à un certain point. Ceux qui l'ont connu dans ses der nières années savent que souvent le soir, après son dîner, il s'endormait dans un fauteuil, quels que fussent ses visiteurs ; de temps en temps il se réveillait comme en sursaut, et par fois, comme pour secouer le sommeil, il commençait une espèce de petit dis cours par lequel il voulait peut-être se donner l'air d'avoir réfléchi pendant qu'on le croyait endormi. A l'époque où il était président, et après un dîner donné par lui à Ver sailles à des députés qui étaient en ma jorité de la gauche, il se leva en se ré veillant comme je viens de le dire, et, se tournant vers ses convives il leur dit : « Savez-vous ce qui vous arrivera « à tous, si vous aimez vraiment votre « pays, si la république se prolonge « et si vous êtes chargés de la gou« verner : vous deviendrez les alliés « du Pape, de l'Autriche, de tous les « pays conservateurs. » Quelques-uns se récriant : « Oui, répéta-t-il, il en « sera ainsi, et vous n'aurez pas le « choix. Moi, je n'y serai plus et je « n'aurai pas ce sacrifice à faire; mais « ceux d'entre vous qui vivront et qui « auront du patriotisme seront con« traints d'en venir là. » M. Thiers se faisait illusion : d'une part, tout républicain a beaucoup plus d'amour pour ses idées que pour sa patrie ; de l'autre, pour être l'allié des .« puissances conservatrices », il ne suffit pas précisément de le vouloir. Mais ce que M. Thiers voyait claire ment à la fin de sa carrière, ce que les événements de 1870-71 avaient achevé de lui démontrer, c'est qu'en dehors des alliances conservatrices, la France n'a personne sur qui s'ap puyer. C'est une loi de son histoire qu'elle doit subir et que nul ne peut modifier. Je ne veux pas revenir ici sur les beaux fruits que la France a recueillis de ses alliances avec la Prusse sacri lège, avec le philosophe Frédéric et avec les rapaces de la maison de Sa voie; sans aller si loin, plus nos en nemis sont acharnés et plus nous les...
À propos
Fondé en 1833 puis suspsendu en 1860, L'Univers réapparaît sous le Second Empire, toujours sous la direction du même homme, Louis Veuillot. Au début de la Troisième République, il est le journal catholique le plus lu en France. Ultramontain et farouchement conservateur, le titre affiche le plus grand mépris pour les républicains, de même que pour les catholiques libéraux. Il cessera de paraître au commencement de la Première Guerre mondiale, avant de tenter une relance en 1917 qui s'achèvera sur un échec : le journal disparaîtra définitivement en 1919.
En savoir plus Données de classification - thiers
- waldeck-rousseau
- waldeckrousseau
- esquiros
- challemel
- de schoenborn
- galla
- boyer
- cler
- eu
- france
- marseille
- vannes
- paris
- bismarck
- bretagne
- orléans
- goritz
- angoulême
- clermont
- la république
- agence havas
- union
- une république