Extrait du journal

Voici un article auquel je tiens. Ecrit au courant de la plume, il ex prime du moins des idées que j’ai méditées. D abord permettez-moi de mettre sous vos yeux une lettre de Leconte de Lisle, véritable poète et écrivain parmi tant d’autres que la complai sance publique décore injustement de ces titres. 11 l’écrivait à Louis Mé nard le 7 septembre 1849. Elle ex prime excellemment les rapports qu’un homme de haute culture peut établir entre soi et la politique : Je comprends, écrit Leconte de Lisle, qu'on ait foi en quelques principes su périeurs, généraux, abstraits, h l'aide desquels on édifie spéculativement un système d’idées politiques et sociales. Non seulement je pense qu’il est permis a l artiste de professer de tels principes, mais encore je lui en sais gré. Ce qui élargit le sens moral et élève l’intelli gence est digne do désirs, d’attention sérieuse et d’études constantes. 11 faut entendre, dans la langue de Leconte de Lisle, le mot artiste avec un sens infiniment plus élevé que dans le langage courant. Par artiste, à l’ordinaire, on entend tout écri vain, peintre, sculpteur, musicien, cest-à-dire des personnes habiles dans un certain métier. Mais l’auteur des Poèmes Barbares, qui savait dé daigner, ne reconnaissait la qualité d’artiste qu’à ceux qui se sont fait une conception personnelle du mon de, qui embrassent l’univers dans leur pensée. Ces artistes de qui il parle, ce sont, croyons-le, les Rous seau, les Chateaubriand, les Goethe, les Byron, et il leur dit :...