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La Cocarde, 24 mars 1895

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La Cocarde
24 mars 1895


Extrait du journal

conduit au greffe où se fait la levée d’écrou. Puis il boit un peu de vin, du rhum et demande une cigarette. Il en fumera six encore en route. Lemoine fait ses adieux aux gardiens puis vient se placer dans le fourgon à côté de M. l’abbé Philibert. La dernière étape commence. La lourde porte de la prison s’ouvre et la voiture part au grand trot, précédée de deux gendarmes a cheval. Quatre autres suivent, sabre au clair. Le sinistre cortège descend la rue des Chantiers et gagne le lieu de l’exécution. La guillotine se dresse au bout de la rue des Chantiers, en dehors de la ville, à 200 mètres des bureaux de l’octroi, au point culminant de la route de Porchefontaine. Une foule très considérable, avertie dès hier de l’exécution, entoure l’emplacement de la guillotine, maintenue par un cor don d’agents et de gendarmes. A trois heures du matin, on pouvait estimer à un millier le nombre des curieux admis à pé nétrer dans l’enceinte réservée. Le service d’ordre, très rigoureux, est fait par les gendarmes à cheval et par les cuirassiers ; ceux-ci maintiennent la foule jusqu’au pont Colbert. On suit avec intérêt le montage de la machine. A quatre heures, tout est prêt. Subitement un cri confus s’élève dans la foule qui vient d’apercevoir les gen darmes à la hauteur du pont Colbert. Le fourgon et son escorte viennent se ranger à quelques pas de la guillotine. Lemoine paraît, la cigarette encore à la lèvre et ayant auprès de lui un des aides du bourreau et l’aumônier. La foule hue le condamné sans égard pour sa jeunesse. Les cris : « A mort T » retentissent de tou tes parts. C est épouvantable. Le condamné descend lentement les def'rès du marchepied et cherche des yeux a guillotine que s’efforce de lui cacher M. l’abbé Philibert. Le condamne parait calme, s;ul un lé ger tremblement des muscles faciaux trahit l’angoisse intérieure. Il rejette sa cigarette, embrasse le cru cifix et l’aumônier et répète d’une voix maintenant indistincte ce qu’il a dit tout à l’heure au procureur de la République. On voit qu’il parle, on n’entend qu’un murmure confus couvert par les cris de la foule. Un des aides saisit Lemoine par les épaules, le pousse sur la bascule. Deibler, à son poste, presse le bouton. Justice est faite. Le corps du supplicié roule dans le pa nier, où l’on jette ensuite la tête. Le cou vercle est abaissé. On hisse le lourd colis dans le fourgon qui revient sur ses pas,toujours escorté par les gendarmes, et le cortège se dirige vers le cimetière des Gouarts. Une fosse est creusée dans un coin, on y jette à même le cadavre de Lemoine et les fossoyeurs recouvrent le tout. La nouvelle tombe se trouve à côté de celle de Beaujan le dernier exécuté à Ver sailles. En dépit des prières de sa mère, Le moine est mort sans se confesser. Il a conféré avec l’aumônier pendant quelques minutes et a surtout parlé de sa famille....

À propos

Lancée en 1888 par Georges de Labruyère, La Cocarde fut longtemps un titre dévoué corps et âme au mouvement boulangiste. Après l'écroulement de celui-ci, le périodique renforce sa ligne démocrate-chrétienne tout en rencontrant de plus en plus de difficultés financières. Plusieurs directeurs s'y succèdent, dont Maurice Barrès, mais aucun ne réussit à ranimer le périodique. Il continue toutefois sa parution jusqu'en 1938 avec un tirage extrêmement confidentiel – estimé à quelque 25 exemplaires par numéro.

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