Extrait du journal

Oh... quelques bribes seulement. Glissez mortels, n’appuyez pas !.. FAMILLE C... Habite les « casernes ». Les fillettes ayant manqué, la Sœur les interroge, la fois suivante : « Nous ne sommes pas venues paroe que maman a flambé! » En effet, l’homme ivre arrosa sa femme d’alcool et lui jeta ensuite une poignée d’allumettes enflammées. La malheureuse se roula par terre pour éteindre les flammes, on criant à ses enfants terrorisés de s’éloi gner. Autre cas tragique : FAMILLE N... Père travaille sur les bateaux. La mère, 30 ans, a eu, il y a deux ans, les deux jambes coupées par une barre de fer, sur une péniche. Depuis, elle vit dans une baraque à La Fouille — avec son beau-père atteint d’un cancer à l’estomac — et ses quatre enfants : Lucienne, Pierre, Jean, Jacques. L’aînée à 7 ans... Le dernier 1 an!... Intérieur très pauvre, où la mère fait tout par elle-même, malgré son infirmité. Elle marche sur ses deux moignons, qu’elle a capitonnés de débris de tapis; et, pour s’asseoir, se hisse sur les chaises. Donne l’im pression d’une naine, mais est très active, et, pour ce milieu, très propre. Détail curieux : la fille de 7 ans, aussi grande que sa mère, ne rit ni ne sourit jamais. Et, si vous êtes friand de pitto resque : FAMILLE N... Mariniers du Nord', il enfants. Le père, seul, sait lire. Promiscuité forcée dans ces trois petites pièces d’une baraque. Quand la religieuse entre, la mère est en train de faire le lavage des uniques bas, pendant que les plus petits, les pieds nus dans le four, attendent philosophiquement Le père, dans un coin, enfile son pantalon, sans souci des visiteurs ; et d’autres enfants procèdent en famille, à une toilette sommaire. Les neveux et les tantes, entre 1 et 6 ans, sont tellement mélangés, qu’on ne distigue pas les uns des autres. Une des filles est partie avec un * Je pourrais continuer... ... Vous raconter l’histoire de cette femme, pas mariée, qui ne parle que très bas, ayant eu les cordes vocales coupées par un os de lapin à 18 mois, et qui a eu 9... ou 10 enfants — elle ne sait plus — de pères différents, natu rellement ! Telle autre, rose rouge au cha peau, mais figure plus rouge en core, et qui invite la Sœur à boire un litre de « rouge » : « Vous êtes bien trop douce avec ma fille... Prenez donc ma trique... Elle ne comprend que ça !.. ... Ce bonhomme, à trogne de bon ivrogne, s’appelle Saucisson. Magnanime, il a pris les Sœurs sous sa protection. C’est tout à fait un brave homme. Il a même, jadis, sauvé la vie à « Monsieur Perrault » l’évêque d’Autun, en gare de Chagny. ; En reconnaissance, l’évêque lui a donné un mot pour placer du vin chez les curés de son diocèse. Ceux-ci, à la vue de la carte épiscopale, ont reçu Saucisson cordialement, et lui ont fait quelques commandes. Aussi, Sau cisson est devenu un clérical à tous crins : « Voyez-vous, ma Sœur, moi, je suis pour des curés comme ça !.. » Et il aide les Sœurs tant qu’il peut Etc... etc... «s Quand je suis remonté dans mon wagon, toutes ces visions, et les autres, celles que je ne ra conte pas, dansaient dans ma tête.... Quel bien à faire !... Quelle Chine aux portes de Pa ris !... Et je pensais à ceux qui ne font rien... et qui, nés, mourront, inu tiles, comme s’ils n’étaient pas nés... Nati, quasi non nati... Je songeais à l’argent qui se gâche, et au temps qui se perd... Et j’évoquais toutes ces jeunes filles, souvent bonnes, et qui, de vant la glace, étudient longuement sur quel coin de quelle oreille leur « bibi » fera le mieux. ? ? «s Fleurisse donc la fleur que je viens de voir éclore !.. Et que cet article aille frapper à la porte de certains cœurs qui pourraient tellement, s’ils avaient le courage de vouloir !.. Pierre l’Ermite....