Extrait du journal

Octobre a amené la rentrée des classes. Je ne te vois guère qu’à tes promenades dans nos rues et à tes récréations dans les jardins publics ; quant à tes heures d’études, elles m’échappent ; la connais sance én est réservée à tes maîtres et à? tes parents. On dira toutefois, sans crainte de se tromper, que la guerre a élevé sin gulièrement, sinon le niveau des enseigne ments que te donnent tes maîtres, du moins celui de ton esprit à les recueillir, à les mûrir, à les féconder. (La guerre t’apprend l’histoire à coups de canons, et tu ouvres les fenêtres pour en tendre mieux la leçon; elle t’apprend la géo graphie, et le maître n’a plus qu’à graver à ïamais dans ta mémoire tous les noms des lieux qu’illustrent Qes hauts faits de la France. La guerre t’apprend bien d’autres choses : elle rapprend le sacrifice à la patrie ; elle t’apprend la douleur, qui te déchire avant l’heure. Il est peu d’entre vous à la porte desquels elle n’ait déjà frappé, peu qui n’aient vu partir un père, un frère, un camarade pour la bataille, et qui, quelques jours après, au milieu de la joie enivrante d’une grande victoire, n’aient vu venir le facteur, porteur d’une, lettre de mort ; la plupart d’entre vous ont déjà vu pleurer leur mère, pâlir leur père, et tomber le grand-père sous la nouvelle de coups trop rudes pour son grand âge. . Les morts des tiens sont des enseigne ments ;• les larpnea des mères, la souffrance des parents et des grands-parents en sont d’autres. Tout se tient, vois-tu, dans la société : l’individu, la famille, la patrie, Dieu ; et qui veut toucher à une pierre de l’édifice l’ébranle tout entier. - * “ r" Tu as entendu parler des guerres qui ont été faites à une partie de tes conci toyens. C’est à peine s’il était permis à cer tains hommes d’être erf relations avec d’autres. Et quelle était la tare de ces der niers ? Simplement, ils voulaient que Dieu restât à la base de la société. Ils ne vou laient pas que l’édifice fût ébranlé. On les a vus à la guerre. Nos héros sont élus dans leurs rangs, non, certes, que d’autres ne soient tombés aussi héroïque ment dans d’autres rangs. — (Mais pourquoi alors les avoir tenus si longtemps en suspi cion, quand ils devaient, un jour tomber dans les bras les uns dès autres sur le champ de bataille ? Quel temps précieux il a été perdu efi France à s’entre-déchirer? Aussi, cher écolier, chacune des pages de la guerre semblé être arrachée de l’en seignement de l’Evangile : Aimes-vous les uns les' autres. Aimez-vous les uns les autres dès l’enfance, naturellement par l’ordre de Dieu, puisque vous vous aimerez sûrement un jour, quand vous vous con naîtrez mieux, c’est-à-dire que vous vous serez vus les uns les autres à l’œuvre, des épreuves de la vie. la plupart d’entre vous, jeunes écoliers, ne seront sans doute pas appelés à l’hon neur de participer à la grande guerfe, mais tous vous en aurez connu les moindres dé tails- ; la plupart d’entre vous en auront ressenti les coups ; beaucoup, s’ils n’ont pas pu soutenir les combattants à la der nière heure, en auront reçu leurs mères et leurs épouses défaillantes dans leurs bras, à la cruelle nouvelle de leurs morts héroïques. De telles épreuves mûrissent prématuré ment un jeune homme, et, offertes à Dieu par ceux-là qui ont le bonheur de croire en la Providence éternelle, elles en font vite un homme droit, probe et résolu. C’est à toi, .cher écolier, que profiteront les leçons dé la guerre. Elles ne seront pas les leçons du passé, elles seront les leçons du présent, indéracinables de ton souvenir, et que tu transmettras à tes fils, eh leur disant : J’ai vu cela, je l’ai vu comme si j’y étais ; mon père, mon frère, mes amis y étaient, ils y sont morts en héros : il faut faire sous l’œil de Dieu une France nou velle où ces horreurs ne puissent pas se reproduire ; et cette h Su te mission de re faire la France, ou plutôt de ne pas per mettre qu’on la déforme, quand le Créa teur. l'a faite si belle, cette haute mission vous incombe de tout son poids. Préparez-vous à l’accomplir dan$ la jus lice, dans l’impartialité, dans la bonté, dans la charité, les uns appuyés sur les autres, comme vous vivez à l’école, comme vos pères ont vécu et sont morts à l'armée, anime le chrétien doit vivre dans la vie ;...