Extrait du journal
Comment était-ce arrivé.. ? • Mystère !.. Je l’avais connue dans le temps... C’était une honnête et vaste cuisinière, figure opulente, œil vif, un doigt de moustache... Elle faisait sa cuisine avec amour, per lant ses plats, n’ayant pas sa parèille pour braiser une culotte de bœuf Hiver nais, zéphyrer un ris de veau, ou feuil leter une de ces pâtes aériennes !.. Elle ne demandait jamais de sortie, tout son bonheur tenant — paraissant tenir— entre les quatre murs faïencés de son large sous-sol. Les casseroles y reluisaient comme de» soleils... Son dallage était une glace pleine de périls pour les souliers à clous des four nisseurs. Elle frottait tout ce qui était frottable. Bref, il semblait, qu’avec une variante, Virginie aurait pu faire sienne la devise historique : « Hors ce fourneau... point d’amour !... » Oui !.. Comment était-ce arrivé.. ?? & Et pourtant.,, o’était arrivé ?.. La meilleure preuve; c’est qu’elle se tenait, là, dans mon bureau, toujours olympienne, avec son panier à provi sions sur les genoux et son bonnet très propre sur des cheveux méticuleusement encaustiqués. — ... J’ai encore vu ça, moi !.. me di sais-je intérieurement, en épinglant avec soin les pièces du dossier. — Ce qu’il en faut tout de même, pour se marier !.. s’écria Virginie, en rentrant d’un coup de poing deux poireaux qui émergeaient. — On a pourtant bien simplifié depuis quelque temps... — Au moins, toutes y sont-elles.. ? - — Je crois... Voici vos deux actes de baptême, les bans de votre futur, votre feuille de témoins... Tout va bien... — Ce sera pour quelle heure.. ? — Il y a douze mariages demain... soyez donc parmi les premiers à la mai rie. Aussitôt après la cérémonie civile, vous sautez en voiture, et à l’église tout de suite !.. — Pourrais-je me confesser ce ma tin.. ? Cela me ferait gagner bien du temps. — Pas l’ombre de difficulté !.. A pro pos... je ne vous ai pas demandé ce que fait votre fiancé.. ? — Il est trompette de la Garde... ré pondit-elle avec une simplicité que dé mentait la flamme de ses yeux. Virginie roulait déjà les « r » comme un tambour-major ! O amour !.. Comment était-ce arrivé !.. * Quand elle fut confessée, la puissante fiancée revint à la sacristie, et je me mis à lui rédiger un billet de confession en bonne et due forme. Nous parlâmes du passé, du présent, de l’avenir, et après l’avoir félicitée d’entrer ainsi sous les drapeaux, je séchais, je pliais le fameux billet, mais alors elle m’interrompit : — Puisque vous y êtes, Monsieur l’abbé, voudriez-vous me faire aussi le billet de mon futur.. ? Je promenai dans la sacristie un re gard circulaire. — Où est-il votre fiancé ? — A la caserne. — Envoyez-le moi, et quand je l’aurai confessé, je lui ferai son billet. Mais la cuisinière secoue la tête, comme devant une erreur évidente : — Vous vous trompez, Monsieur l’abbé !.. — Comment.. ? — Vous savez bien que le militaire a des faveurs... le quart de place... les théâ tres... le. tabac... — Oui... mais je ne vois pas ? — Dans la Garde, les trompettes sont dispensés de se confesser !. — Première nouvelle !.. fis-je en me hérissant. — Si !.. Ça, c’est connu !. — Connu !. Vous me l’apprenez !.. Ja mais je n’ai lu pareille chose dans ma théologie... — Enfin, c’est comme ça !.. Vous vou lez bien me le donner.. ? — Pas du tout !.. Voyons, Virginie, vous, une bonne chrétienne... me deman der une chose pareille !.. Virginie !.. Elle écouta mon petit sermon, les yeux sur son panier. Puis elle sortit, un peu vexée : — En voilà, du nouveau !.. Je ne sais pas comment elle va s’arranger, cette affaire-là !.. Je vécus tout le jour dans l’attente du trompette de la Garde. Vers 5 heures, j’eus un espoir... Un monsieur décoré, les moustaches en crocs, l’air militaire, demanda à se confesser. Mais il n’était ni trompette, ni de la Garde et n’avait pas la moindre envie de convoler... pas même avec Vir ginie. 5 h. % : prière du soir... 6 heures : je rentre à la sacristie pour mettre des papiers en ordre, préparer les actes, etc. Et j’étais là, enfla seul, dans le bureau...
À propos
La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.
En savoir plus Données de classification - satolli
- pierre l'ermite
- cochery
- millerand
- jaymes
- ruau
- boué de lapeyrère
- gouin
- hubert latham
- goüin
- france
- latham
- rome
- nice
- paris
- jérusalem
- châlons
- vaughan
- congo
- gers
- bayard
- conseil de cabinet
- union
- cour de cassation
- parlement
- académie des sciences