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La Croix, 10 août 1910

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La Croix
10 août 1910


Extrait du journal

« Pour la rentrée », voilà un titre qui fera peut-être jeter les hauts cris à quel ques jeunes lecteurs. — Comment ! nous sortons à peine de la distribution des prix, et on parle déjà de la rentrée ! — Eh bien, oui ! mais c’est pour les maîtres que j’écris en ce moment. Je sais fort bien qu'un chef d’institution ne part pas en vacances avant d’avoir tout réglé pour sa. réouverture d’octobre. Quand toutes ses mesures sont prises, ses services assurés, quand son person nel est remis au complet, alors il va se reposer à son tour. Le convier, du 15 août au 15.. septembre, à un effort quelconque et, surtout à un effort nou veau, il ne faut plus y penser ; car lui aussi, lui surtout a besoin de déposer pour un instant son fardeau. A la veille de la rentrée, c’est autre chose, mais c’est pire : il est aux prises avec les mille détails de l’exécution, en conver sation avec les familles, en premier contact avec les élèves nouveaux ; il ne peut plus rien changer à son plan de campagne. — Qu’est-ce donc que vous nous vou lez ? me diront les maîtres de l’enseigne ment libre. 1— Ce que je veux, moi, ancien universitaire, c’est vous supplier de ne pluà mettre toutes vos ambitions et toute votre fierté à copier l'enseigne ment officiel. J’ai pour cela au moins trois raisons, que je vous demande la permission de vous soumettre. Je me placerai d’abord au point de vue le plus terre à terre. Puisque vous êtes des concurrents, vous devez savoir qu’on ne fait utilement concurrence à quel qu’un qu’en agissant 'autrement que lui, en éveillant et en satisfaisant d’autres besoins, en procédant par d’autres mé thodes. C’est là le grand principe que Darvyin. a. mis en. lumière dans son étude de la concurrence vitale (or, il y a à prendre dans Darwin, comme il y a beaucoup à y laisser.) Cette vérité peut se vérifier d’un bout à l’autre de la série des êtres qui luttent ou pour l’existence ou pour la supériorité. Imiter, c’est trop souvent contrefaire, et la contrefaçon vaut rarement l’original qui, lui, garde au moins le bénéfice du libre choix et de la conviction personnelle de l’inventeur. Ma seconde raison s’adresse à des sentiments d’un ordre déjà'plus élevé. Toute question de principes religieux et d’éducation confessionnelle mise à part, pourquoi les sociologues sérieux, pour quoi les économistes, pourquoi les peu ples pratiques, comme les Américains, les Anglais, les Hollandais, tiennent-ils si énergiquement à la liberté de l’ensei gnement ? Parce que c’est cette liberté qui doit le mieux assurer la diversité et que cette diversité est nécessaire au progrès général, lequel ne fait un pas en avant que sous l’impulsion d’une idée originale. Voilà, en tout pays, le fonds solide de leurs raisonnements. Vous avez donc là des auxiliaires puissants, des alliés qui, sans partager toutes vos idées, vous soutiennent pour l’honneur de la liberté. Ne les découragez pas. Si tous les jeunes esprits sont coulés dans le même moule éducatif, les initiatives s’arrêteront, aussi bien chez les maîtres que chez les élèves. Les ouvriers intelli gents le comprennent parfaitement bien, Ils voient clairement qu’à une époque où la division du travail est inscrite partout, il ne faut plus de ces écoles constituées toutes sur le même type dans l’ensemble entier du pays. Ils ne peuvent pas trou ver mauvais, sans renier leurs principes, que les instituteurs se groupent pour la défense de leurs' intérêts. Mais ce qu’ils préféreraient encore aux Syndicats de maîtres d’école, ce sont des écoles de Syndicats. L’idée vaut la peine d’être étu diée. Un Syndicat uniquement composé d’instituteurs pris à un moment donné et s’appliquant à perpétuer indéfiniment le même esprit serait fatalement routi nier et oppresseur. Ils ne formeraient, disent les syndicalistes avisés, que des aspirants maladroits à la bourgeoisie, tandis que les écoles de Syndicats for meraient des ouvriers désireux, par-des sus toutes choses, de perfectionner l’exercice de leur profession. Je répète la formule : avoir des écoles de Syndi cats plus que des Syndicats de maîtres d’école, c’est là une des portes qui peu vent s’ouvrir sur le domaine de la liberté. N’en fermez pas une autre en renon çant à faire autrement que vos rivaux ; car si vous prétendez copier exactement, ce qu’ils font, des milliers de familles se diront : « Alors, c’est la même chose que dans l’enseignement officiel ? Il est probable, cependant, que celui-ci doit faire encore mieux, puisqu’on l’a pris pour modèle ! » Enfin, j’ai une troisième raison qui e$t celleTci : on ne s’attache pas, on ne...

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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