Extrait du journal
Sans rabat, sans ceinture, mal peigné, les mains noires d’avoir raboté des planches et cloué une estrade, le petit curé finit, à la lueur d’une chan delle, un bout do bœuf de midi, quand, brusquement, la porte s’ouvre, et le bedeau accourt, anhelant: — Ah! monsieur le ourét... — Quoi.,? — ... La salle est pleine!., arebipleine!.. un las de monde proteste déjà parce qu’on ne peut pas entrer... Le curé repousse son assiette. —Vous n’allezpas sortir comme cela!., clame la bonne... je vous vois venir... — Où est ma pèlerine..? '—Là!. — Où... là..? — CTest vrai !.. Avec vos nouvelles histoiresi on ne retrouve plus rien ici!.. C’est plus un presbytère!.. Ah! si mon défunt maître y voyait ça !.. Tenez, là.. ? non!.. Le curé n’a pas le temps de chercher, il prend une couverture grise, la met sur ses épaules, et sort-dans le jardin, v C’est la nuit... la nuit froide... Lé ciel; d’un bleu sombre, regarde la terre énneigée, avec les yeux clairs de ses étoiles. Et du fond de l’horizon, Je vent* souffle en rafales sur la campagne morte. Pourtant, si l’on écoute bien... on en tend comme un murmure du côté de la place;.. — C’est eux!, dit le bedeau. — Et moi q ii craignais de n’avoir personne!.. — C’est votre système... comment que vous appelez ça..? — Cinématographe... — C’est trop long pour moi... On dirait du macaroni... Mais tout le village veut le voir... Vous allez en entendre une musique!.. — Où pourrait-on bien aller.. ? — Bé.. dame!., en n’a plus le choix !.. II y a bien la salle de bal..? — Plus petite encore.. Et puis le cafe tier!!. — Je sais... Pensif, le curé sort du jardin et marche au canon. A peine l’a-t-on vu sur la place que chacun court à lui, protestant avec ce toupet spécial des personnes qui,n’ayant rien payé, semblent avoir plus de droits encore : « C’est dégoûtant!., on n’invite pas le monde quand on n’a pas de place !.. Justement on a mangé la soupe à 6 heures... couché lesmioches... Et puis, rien!..» — Mais si I. J’en ai de la place.., — Où ça..? — Mais là!.. Le curé désigne la place, la grande place entourée de tilleuls qui frisson nent sous la morsure brutale du vent. — Vous voudriez... là..? — Mais oui... je voudrais... là!.. — Vous n’avez pas peur !.. — Éaut jamais 3voir'peur !.. I •—O-**. ' En effet... quelques ordres... un appel 4 des biceps de bonne volonté, et l’appa reil sort de. la sacristie, suivi de son estrade. Mais elle devient trop petite, cette estrade, à cause dé la déclivité du terrai». Alors tout le monde s’y met... ça réchauffera!.. Le charron propose un caisson de tombereau. Ohé... hisse!... Le vent creuse l’écran; on arrose la toile pour la raidir, mais l’eau gèle... La foule va, vient... devant, derrière, sur les côtés... curieuse de voir la cuisine d’une conférence : « Il a l'air de s’y connaître, l’euréf.. v On ne le perd pas des yeux; surtout quand il arrange sa lumière, fait la mise au point... avance... recule... « Attention!., ça y est!.. » Première projection... Monsieur le curé souhaite te bonsoir â ses paroissiensI (fin rit.) — Et à ses paroissiennes..? Aussi?.....
À propos
La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.
En savoir plus Données de classification - doumet
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