Extrait du journal

Le vainqueur est celui qui \ ' tient un quart d'heure de plus que l'autre. Nogi. — ... Dis donc, poilu... quand tu t'en Vas de chez moi... tu ne pourrais pas cla quer la porte un peu moins tempétueuse ment.. ? > ... Tu ne pourrais pas jeter ton paque tage, tes musettes et ton bidon sur mon plancher avec un peu plus de précaution.. ? ... Bt puis... quand tu donnes des coups de poing... choisis tes tables... il n’y a pas que des traverses de chemins de fer !... ... En as-tu fait une vie tout à l’heure !... ... M’en as-tu assez raconté !... Tu étais remonté au moins pour vingt-quatre heures !... Et tout se résume en cette phrase : — J’en ai assez !... trop 1 !... Alors le soldat boche, qu’est-ce qu’(i dira... avec son demi-biscuit dans le ventre et sa marmelade de guerre ? » Tu aspires à la paix... ? Mais veux-tu n’importe quelle paix... ? Veux!-tu que tous nos splendides héros soient tombés pour rien... ? Veux-tu que dans dix ans une guerre plus horrible encore recommence pour tes enfants... ? Veux-tu que le hideux kaiser replas tronne devant l’univers en clamant : « Ce sont les miens qui étaient les meilleurs !.. » Jé te dis cela je ne sais pas pourquoi !.. Car j’ai écouté sans grande inquiétude tes terribles propos.., •J’avais même l'impression que cela te fai sait du bien... que. ce verbiage débridait l'abcès... Tu dois déjà aller mieux !Tu peux dire tout ce que tu voudras, nous avons tous taUeïnent confiance en toi..: Et tu le sais bien, 6 -trop bruyant Alexandre !.. D’ailleurs, écoute ceci : J’ai rencontré, l’autre jour, l’abbé Theilier de Poncheyille, retour d'Amérique. , v — vos impressions..? lui ai-je dit aus sitôt. Il m’a pris les deux mains, et, avec une flamme au, fond des yeux: Mon cher, il n’y a qu’une patrie !.. la mienne, et puis la vôtre... J’ai assisté, làbas, à je ne sais combien de réunions. 1 Quand en y prononce le mot « Verdun », ‘ aussitôt l’assemblée est debout et acclame lp mot qui résume le plus gigantesque exploit de l’histoire du monde... Un jour, je remerciais le Président de la sympathie qu’il nous témoignait ; il m'interrompit : « Ce n’est pas de la sympathie... c’est de l’amour !.. » Or, « Verdun », poilu, c’est toi... Et tu voudrais me faire croire que tu consentirais à descendre de ce piédestal..? Allons donc !. - * Ecoute encore ceci : Je finis un livre admirable de simplicité et de sincérité ; Ceux de Verdun, écrit par vle lieutenant PéricarcL. Tu sais..? celui qui, un soir dé carnage, a crié :'« Débout, les morts 1.. » : • Ce livre, " où la main tremble encore d’avoir lancé la grenade, est d’abord inquié tant. Le lieutenant y consacre toute une partie à la « Grogne » : « Quand, vous causez avec les combat tants, c'est qu'ils sont en permission ou au repos. L’air qu'ils respirent a passé par vos poumons... les verres oit ils boivent portent la marque de vos lèvres. Et vous, de l'arrière, vous les avez blessés, meurtris ; et vous triomphez de ce que leur cœur défaille... — Eh..bicn! soyez contents!... la première partie de ce livre s’appelle « la Grogne ». Des plaintes, des , mécontentements, des colères, je n'ai rien atténué, rien omis... Vous pourrez vous saoûler tout à votre aise du vin empoisonné... » Oui, mais brusquement le tonnerre de Verdun gronde et roule... C'est l’alerte de la fameuse nuit du 21 février 1916. Alors, du fond de la « Grogne », le poilu surgit, boueux et. sublime : « Les obus tombent... tombent... tombent, giboulées infernales, dont chaque goutte est un obus. Les tranchées s’effondrent, les cadavres s’entassent, le tumulte des éclate ments martèle les cerveaux. Le sol bout comme l'eau (Curie, chaudière. Le ciel se disloque... EX contre cet ouragan de fer...