Extrait du journal
Où donc ai-je lu ce vieux conte où un géant, fort comme un Turc, se laisse ros ser à merci par un maigrelet d’adversaire aussi pauvre de force que riche d’audace ! Tout l’art de ce dernier est de per suader au colosse que lui, géant, est faible comme un enfant, sot, bête, malha bile; tandis que lui, maigrelet, est la science, l’astuce, la vigueur même : « Ne résiste pa^, lui crie-t-il, ou bien je te mets en chair à pâté au lieu de me con tenter de te rosser à ma fantaisie. » Catholiques, ce géant, c’est nous. L’autre, c’est le maçon, et la bande qui marche avec lui. A force d’audace, il est arrivé à nous faire croire que nous n’avons ni force, ni intelligence, ni habileté suffisantes pour lui résister. Et alors nous gémissons : « Les élec tions seront mauvaises, nos dernières libertés sombreront, la France ira aux abîmes du socialisme...,' mais chut, ne les irritons pas... ils sont si forts, nous sommes si faibles ! » Si faibles 1 Ce mot ma fait bondir. Mais c’est tout le contraire, nous sommes très forts, et il faut le savoir. Très forts, parce que, s’il est beaucoup d’indifférents en France, il est très peu de sectaires. 25 OOOfrancs-maçons ! Qu’estce que cette poignée maigrelette à côté des millions d’hommes et de femmes ca tholiques pratiquants que nous sommes? Je compte les femmes à dessein, car si elles ne manient pas le vote, elles peu vent du moins l’aider singulièrement par leur influence, leur argent, leur dé vouement. Même à ne prendre-que les hommes, n’étions-nous pas 60000 à Lourdes l'an dernier? et ce n’était qu’une toute petite partie des nôtres. Nous sommes très forts, parce que nous avons de l’argent, non pas les mil liards de la finance ou du Trésor publie; mais nous en ayons et nous savons le donner, nous l’avons prouvé en soute nant' tant d’écoles, d’œuvres, de missions. Il s’agit donc uniquement d’employer à propos ce flot de ressources, de le diriger momentanément là où il est impérieuse ment nécessaire, aux caisses électorales. Nous sommes très forts, parce que, malgré tout, on nous estime. On sait que si l’honnêteté de la vie, l’honorabi lité de la fortune n’est pas notre exclusif apanage,c’est dumoins cheznous qu’elles se rencontrent le plus souvent. Et voilà pourquoi nous avons l’influence de la vertu. Nous donnons beaucoup, nous sommes charitables, généreux. Et c’est là encore une force, parce que c’est un élément d’influence. Nous sommes très forts, parce que notre mentalité n’est pas, comme le disent nos adversaires, inférieure à la leur. Ils sont parvenus à nous faire croire à nous-mêmes que nous sommes des diminués de la pensée et des indigents de science. Ah! mille fois non. Les principes lu mineux dont la foi baigne notre intelli gence font de nous les vrais intelligents, comme les vrais moralisateurs du peuple. Regardez ces belles associations de jeunes gens chrétiens comme celles de la Jeunesse catholique, le Sillon, et tant d’autres. Quelle crânerie dans leur chris tianisme agissant, quelle fougue dans leur action, quel talent dans leurs con férences d’apôtres du bien! Tous nous pouvons, plus ou moins, en faire autant. Enfin nous sommes très forts, parce que nous sommes poussés à bout. Voilà vingt ans qu’on nous traite en parias. On nous fait payer des écoles où nous ne pouvons envoyer nos enfants, des hôpi taux où l’on prive nos coreligionnaires des soins des religieuses et de l’assis tance des aumôniers. Il suffit d’être ca tholique pour que les magistrats se per mettent tout à notre égard. On interdit nos processions, alors qu’on autorise les manifestations injurieuses de la libre pensée. On nous menace de supprimer demain le budget des cultes et de mettre à notre charge une dette que doit l’Etat, à raison de la spoliation de l’Eglise à la fin du xvm» siècle. On chasse enfin nos religieux et religieuses, ou on les...
À propos
La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.
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