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La Croix, 10 octobre 1925

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La Croix
10 octobre 1925


Extrait du journal

Il semble que si la solidarité doit s’apprendre quelque part, c’est au sein de la famille. Ne doit-elle pas, en effet, être pratiquée à tout instant entre tous ses membres et les grouper étroitement autour de celui qui est leur chef, le père ? (Les intérêts matériels et moraux ne sont-ils pas communs entre les enfants, et entre eux et leurs parents ? Cette solidarité étroite voulue de la nature* c’est-à-dire par Dieu lui-même, a fait la puissance dê la famille à toutes les époques où elle a été pratiquée. C’est parce qu’une étroite union grou pait, tous les membres de la famille romaine, la gens, autour du foyer domestique, que les pères ont joué un rôle si considérable dans les premiers siècles de l’histoire de Rome, et ce fut lorsque cette cohésion se dissocia que la famille antique perdit sa valeur poli tique et sociale et qu’au lieu de faire la loi. elle la subit pour son malheur et pour sa perte. L’on peut en dire autant de la famille grecque et plus encore de la famille chrétienne dans les siècles passés. Cette solidarité n’existait pas seule ment entre membres d’une même famille, elle unissait aussi les famillesles unes aux autres et leur donnait ainsi dans la direction des affaires dSe la cité, un si grand rôle, que l’Etat apparaissait vraiment comme la confédération des familles. Composé de leurs chefs, le Sénat de l'antique Rome était comme te Conseil fédéral des familles et ses membres n’avaient d’autre titre que celui de pères, patres eonseripti. Comme nous sommes loin de ces temps et de ces mœurs ! Et cela doit d’autant plus nous affliger que, depuis ces siècles reculés, le christianisme est né, a grandi et a triomphé, consacrant par des liens surnaturels l’étroite solida rité qui, avant lui, unissait déjà la fa mille antique. Aujourd’hui, ce n’est plus devant les idoles du foyer que se con tracte l’union conjugale, mais devant tes autels du vrai Dieu, et ce sont ses repré sentants qui reçoivent et confirment pour toujours leurs engagements; aujour d’hui, c’est à Dieu lui-même qu’obéissent les enfants lorsqu’ils obéissent à ceux qu’il leur a donnés pour chefs, le père et la mère. Gomment se fait-il donc que, dotée ainsi d’une puissance surnaturelle et sacramentelle, la famille française pra tique la solidarité beaucoup moins que la famille des antiques civilisations païennes ? Les raisons en sont nombreuses et trop évidentes. Mentionnons-en deux, les plus importantes. Le laïcisme qui a pénétré toute notre société — même les catholiques pratiquants — a affaibli l’idée surnaturelle de la famille et fait perdre de vue sa constitution divine : pour beaucoup de catholiques anémiés dans leur foi chrétienne, elle est une société comme les autres ! D’autre part, l’individualisme révolu tionnaire l’a envahie et chacun de ses membres cherche de bonne heure à revendiquer son autonomie, les enfants contre leurs parents, les époux l’un contre l’autre; Chacun veut vivre sa vie et il l’organise en fonction non pas de la société domestique à laquelle il appar tient, mais de son égoïsme et dè ses fan taisies. ; Chaque famille pratique à son tour cet individualisme à l’égard des autres familles. Elle ne comprend pas les inté rêts communs qui doivent les unir toutes dans une action commune. Il a1 fallu arriver à ces dernières années pour voir se former des groupements et des asso ciations entre familles, et comme ils res tent encore inférieurs à la grande œuvre qui les appelle ! Chose extraordinaire ! C’est surtout quand il s’agit de l’œuvre essentielle du foyer, l’éducation et l’établissement des enfants dans la vie, qu’au lieu de s’entr’aider les familles s’enferment dans le plus étroit individualisme. Que de parents envoyant leurs enfants dans les écoles secondaires, « bonnes maisons » tenues par des prêtres ou des religieux, lycées et collèges de l’Etat, ne se préoc-, cupent jamais de l’enseignement qui est donné aux enfants du peuple dans les écoles primaires ! Il leur suffit de savoir que leurs fils & eux recevront l’éducation conforme à leurs idées; qu’importe, après cela, celle qui est donnée aux enfants des autres familles, de l’immense majorité des familles ? Et quand on leur montre les dangers qui menacent Tême des millions d’en fants qu’élèvent 80000 instituteurs cégétistes et 20 000 autres communistes, les uns et tes autres blasphémant Dieu et ' ébranlant tes bases nécessaires de la société et la famille elle-même, ils se contentent de se féliciter du bonheur qu’ils ont eux-mêmes de pouvoir, en pavant, confier leur progéniture à de « bonnes maisons » qui les formeront dans de bons principes, ou même à des lycées où l’on conserve encore un rayon : religieux avec l’aumônier et la chapelle. Et, dans leur sagesse aussi courte qu’égoïste, ces parents,' incomplètement chrétiens, ne se demandent pas si un jour la masse de cette jeunesse, dont l’éducation socialiste et athée ne les trouble pas, ne se dressera pas en une formidable ruée électorale pour voter en i (i) Voir la Croix des 29 septembre. 2 octobre et 6 octobre....

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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