Extrait du journal
Petit Journal, toujours très officieux, morigène ceux qu’il appelle les « belli queux ». Quand nous disions, il y a déjà deux ans, que l’Angleterre en fomentant et surexcitant l’agitation arménienne menait l’Europe aux abîmes, l’indifférence était générale. Nous commençons à sentir la chaleur de l’incendie, et tout le monde appelle les pompiers. C’est un peu tard. Il fallait s’émouvoir au début pour agir; il, faudrait maintenant se taire et observer froi dement des malheurs irréparables pour se garer, pour ne pas être noyé dans le courant. Ce n’est pas de l’égoïsme, c’est du bon sens. C’est l’esprit de conservation légitime qui nous impose le devoir de la réserve et du sang-froid. Le spectacle auquel nous assistons n’est ni beau, ni consolant. Nulle part, nous ne voyons l’effort loyal d’union, dicté par des raisons supérieures ou de nobles préoccupa tions d’humanité. Dans tout ce qui nous entoure, à Londres, comme à Berlin et à Vienne, l’unique pensée dominant nos voi sins immédiats s’attache à l’exploitation d’une catastrophe inévitable. Chacun prend position avec plus ou moins de cynisme pour ne pas manquer le coup du butin, des par tages fructueux : le reste n’est que prétextes et fantasmagorie, dont les niais seuls seront dupes. 11 est douloureux que la France arrive à cette échéance trop tôt, sans avoir eu le temps de reprendre toute sa liberté d’action, sans avoir réparé complètement ses désastres. Mais on conviendra, en tout cas, que l’entre prise des croisades qui lui sont suggérées par des conseillers turbulents ne lui appar tient pas. Si elle a dû, par des motifs de prudence assez évidente, s’interdire toute tentation de revanche, pourquoi se lancerait-elle pour des intérêts indirects et des mobiles secon daires, dans les échauffourées orientales ? Telle est sans doute la pensée de nos gouvernants; ils cherchent à expliquer par mille borines raisons leur impuis sance à vouloir et à agir. Ils abandonnent purement et simple ment nos droits en Oriént; ils ont peur de l’Angleterre, ils ont peur de l’Italie; ils ont peur de l’Allemagne ; ils ont même peur de la Russie, sans voir que c’est là le meilleur moyen de déchaîner la guerre Ils ne savent pas ce qu’ils veulent, ni ce qu’ils peuvent, parce qu’ils n’ont pas la nation française dans la main; oiseaux de passage, ils ne sont pas pénétrés des traditions de la France en Orient ; ils se doutent à peine du prestige qui entoure encore dans ces régions le nom français; et pourtant, ils sont encore les véritables arbitres de la paix. Les Orientaux de toute race comp taient jusqu’à ce jour sur la France; ils redoutent et détestent toutes les autres Puissances. Il nous semble que la France a encore un beau rôle à remplir là-bas : point de désertion, point de provocation non plus; restons, les champions de la justice et des opprimés. Si une nation a encorô assez d’influence...
À propos
La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.
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