Extrait du journal
C’était un de ces pauvres gas, comme on en croise tant sur le pavé des villes... et qui s’en vont, pitoyables... Figure pâle, avec une pointe de rouge sur des pommettes sail lantes. Les yeux sont brillants de fièvre... Les mains, moites. La poi trine, creuse. Tout effort lui est pénible. Il parle avec peine, d’une voix entrecoupée par une toux sèche, qui lui déchire les côtes.., & Une nuit, le pauvre gas s’est réveillé, un goût fade dans la bouche. Inquiet, il allume sa lampe, et il s’aperçoit, plein d’épouvante, que son mouchoir est taché de sang frais... et que ce sang coule goutte à goutte... C’est sa jeunesse..., c’est sa vie qui s’en va... Et il ne veut pas mourir encore... » Le médecin est venu. Du premier coup* d’œil, il a jugé la gravité du cas. Encore un qui va faire un mort. Par conscience professionnelle, il ausculte le malade, pour savoir ce qu’il sait déjà... Il écoute entre les deux épaules... Il écoute sur la poitrine... Et il dit au pauvre gas : « Ce n’est rien, mon garçon... Seule ment, il vous faut de l’air et du soleil... » Mais, e& partant, lé médecin murmure, sur le pas le la porte, à la famille anxieuse t — Je ne reviendrai pas, il est perdu... — Oh, docteur !.. <— Absolument perdu... * C’était un pauvre gas, comme on en croise tant sur le pavé des villes... Dans un corps quelconque, il avait une âme en pleine décom position. Pauvre âme !.. D’abord, belle et pure, elle avait été prise par l’attirance malsaine du fruit défendu. Tout l’avait tentée... Camarades..., théâtre..., journaux..., cinémas;.. Elle avait trébuché..., une fois..., deux fois..., trois fois... Puis elle était tombée dans la boue... Et, enfin, elle avait roulé dans les bas-fonds. * Là, comme les bacilles dans le poumon, tous les vices s’étaient rués, installés.-en cette âme... Ils y avaient grouillé, vers im mondes dans le fruit. Cette âme, elle était devenue,une pourriture, une putréfaction avant la mort totale. Tous les matins, elle se vomis sait elle-même. Et, tous les soirs, elle retournait à son vomissement. Et cela paraissait devoir durer jusqu’à la catastrophe finale. # Et puis !.. Et puis !.. De profundis clamavi... Du fond de l’abîme, elle cria... Un jour, cette âme se souvint de son beau printemps en fleurs. Elle rêva de revivre... Elle compara le passé et le... pré- " sent. Elle éprouva le sentiment, la nostalgie, que ressentit jadis l’en fant prodigue quand, au milieu de sa porcherie, il évoqua la vision du pain blanc et de la claire maison paternelle. Et, comme l’enfant prodigue avait dit : « Je me lèverai et j’irai à mon père... » l’âme se dit : « J’irai, moi aussi, à mon père... » » Le pauvre gas s’est levé du fond de sa pourriture. ■ - . Dressé sur son fumier, il a dé cidé de revenir. Et il s’en est allé, d’un seul trait, se jeter dans un confessionnal, aux pieds d’un prêtre , inconnu, mais qu’il a aussitôt appelé : « Mon père... » — Mon père, j’ai péché !.. Le prêtre l’a écouté... Le prêtre Ta ausculté... Comme le Christ au bord dutombeau de Lazare, il s’est penché sur ce cadavre d’âme, étreint par les tentacules de ces sept poulpes...
À propos
La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.
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