Extrait du journal

RETOUR D’ITALIE Le gouvernement italien a donc trouvé un moyen quelconque de se débarrasser du capitaine Romani. Le roi l’a compris dans une amnistie aussi large que possible; il attend un merci du gouvernement français et, pense-t-il, tout sera dit. Il n’en reste pas moins vrai que les tribu naux italiens ont osé condamner un officier français innocent; la cour de Cassation n’a pas osé confirmer la condamnation, mais elle renvoyait encore le capitaine français à un autre tribunal Ce n’est pas une amnistie que devait le roi Humbert au capitaine Romani, mais des excuses. * Retour d’Italie, où*if a pèleriné pendant un mois, un rédacteur de La Croix a pu se renseigner un peu sur l’état d’âme du peupleitalien. On peut faire trois parts de ce peuple : le monde politique, la population des villes, celle des campagnes. La population des campagnes, très bonne, très religieuse, n’a aucune part dans la direction des affaires; elle souffre et tra vaille en patience, tant que la misère ne l’oblige pas à se soulever comme en Sicile ; elle craint et méprise ses conquérants et maîtres les révolutionnaires; elle n’a que peu de rapports avec le peuple des villes. Celui-ci vit dans une profonde misère; les sectes le travaillent beaucoup; aussi, chez lui, le sentiment religieux encore très vivace est-il souvent étouffé par les passions et l’aigreur contre n’importe qui et n’importe quoi ; dans une révolution il se portera à toutes les violences et à toutes les horreurs; aussi le roi Humbert se fait-il garder à Rome par une année; Rome paraît bien ce qu’elle est en réalité, une ville conquise. Reste le monde politique. Ah! mes amis, les politiciens de France paraissent de petits saints à côté de ceux de l’Italie. — D’abord tous sont révolution naires, tous ont commencé dans les Loges, et ils ont pour chef Lemmi, coquin de marque et parfaitement authentique. Depuis la brouille qui a éclaté entre Crispi et ses anciens camarades, c’est une avalanche d’in jures toutes plus justifiées les unes que les autres. L’affaire des Banques a révélé la profonde corruption de ce monde-là, et la boue rejaillit jusque sur les marches du trône. Lorque Cavalloti traite Crispi de voleur, Crispi n’a qu’à ouvrir les mains pour rendre à son fougueux adversaire la monnaie de sa pièce. En vérité, une bande de brigands s’est abattue sur la malheureuse Italie ; tous ces rastaquouères ont écrit sur leur ehapeau garibaldien le mot patriote, comme le loup écrivait : t C’est moi qui suis Guillot, berger de ce troupeau », et le peuple a subi leur joug sans mot dire. Toutefois, une réaction se prépare et dans toutes les parties de l’Italie, surtout dans le Nord, le peuple commence à se ressaisir. Partout nous avons entendu le mot Con fédération; les différentes provinces ne dénoncent pas l’unité italienne, mais elles réclament l’autonomie avec une très large décentralisation comme en Suisse. — Mais la Triple Alliance î direz-vous. —11 est facile de se rendre compte que l’Allemagne n’a pas jeté de profondes racines en Italie. Le peuple italien aime beaucoup mieux la France que l’Allemagne ; la France, on la voit partout en Italie, dans les monu ments, dans les œuvres; les Italiens parlent français pour se faire comprendre des étrangers, même des Allemands. Cette in fluence de la France sur le peuple italien gêne les révolutionnaires qui ont conquis ce beau pays; ils voudraient s’en débarrasser, voilà pourquoiüs s’accrochent à l’Allemagne....