Extrait du journal
Les sinistrés de guerre de nos dépar tements du Nord et de l’Est ont enfin la loi sur les dommages de guerre après laquelle ils aspiraient depuis de longs mois, sinon des années. Elle ne les satisfait qu’à moitié, mais encore fau drait-il qu’elle fût mise en action.. C’est là, pour les sinistrés, que les difficultés commencent. On a lancé tant de circulaires sur les modes d’application de la loi, que la plupart n’y reconnaissent rien. Depuis longtemps on a réclamé d’eux une dé claration de leurs pertes. Avec grand mal; ils en ont établi la liste. Mais on a trouvé de nouvelles formules d’impri més pour ces déclarations, et il faut reprendre tout le travail péniblement accompli une première fois. C’est une des chinoiseries qui ne peut étonner de la part de nos administrations, mais qu’il faut d’autant plus déplorer qu’elle frappe une catégorie de nos concitoyens particulièrement intéressants ettmalheureux. * Dans les villes qui n’ont subi que des désastres partiels, la vie reprend cepen dant. Les conditions de ravitaillement se sont considérablement améliorées après six mois de délivrance et de souf frances terribles. Mais que (Terreurs et d’à-coups encore dans la direction des mesures propres à améliorer le sort des sinistrés ! * La liste serait interminable des récri minations . dont les échos nous par viennent chaque jour. Mais quelques exemples montreront mieux qu’une longue dissertation ce qui reste encore à faire. D’après un rapport officiel, dans le département du Nord, 60000 hectares de terres bouleversées ont été restitués à la culture. Pour cela, on a mis à la dis position des agriculteurs 12 000 chevaux et 219 vaches. Les agriculteurs avaient compté, pour compléter leur cavalerie nécessaire — car d’autres terres seraient productives si l’on disposait de chevaux, — syr les ventes de chevaux annoncées par le ministère de la Guerre. Mais l'administration ne détaille pas, elle vend par bloc de cent têtes, et ce n’est •pas un achat à la portée de tout le monde ; ce seront donc les marchands seuls’ qui se rendront acquéreurs et revendront aux sinistrés, non sans pré lever leurs petits bénéfices. , L’administration fournit aussi des machines agricoles, mais quand, en avril, on attendait des charrues pour retourner une terre non travaillée pen dant des années, ce furent dles fau cheuses qui arrivèrent. dent cinquante-sept usines impor tantes sont rouvertes. Elles ont repris tous leurs anciens ouvriers disponibles et'les occupent au nettoyage et aux réparations possibles. Mais les matières manquent. Il y a là, d’ailleurs, vune ques tion grave actuellement à l’étude : celle des importations. Nous avons besoin de nos alliés et associés pour obtenir ces matières premières, mais l’achat à l’étranger fera encore baisser le change, ce qui est tort dangereux. Il faut espé rer qu’une solution " surgira bientôt et que nos usiniers pourront faire marcher leurs établissements. Le ravitaillement des commerçants de détail se fait uni peu mieux, e! ils ont des marchandises à offrir aux habitants rfentrés, parfois même moins chères qu’à Paris. Mais le service des colis postaux n’est pas ençore rétabli, et un colis de 10 kilos, par exemple, expédié d’une ville libérée à destination d’une autre ville de France comme Toulouse ou Marseille, est grevé d’un port triple au moins que s’il part d’une ville voi sine qui échappa à l’occupation. Aussi les industriels qui avaient le plus grand désir de remettre leurs usines en marche ont-ils peur. « Ils ont peur, comme le disait M. Gustave Barrois dans une récente interview, parce que les matières premières sont hors de prix, que le taux des salaires s’est élevé dans des proportions considérables, et qu’ils ne savent pas si, après s’être imposé de durs sacrifices, ils pourront écouler leurs produits. » Il est un point encore à élucider, c’est celui des intérêts moratoires. Les banques étaient en possession de nom breuses traites non arrivées à échéance lors de l’occupation, qui n’ont pu être payées par les débiteurs absents comme mobilisés ou réfugiés ; et certaines de ces banques des pyys envahis n’ont même pas pu faire présenter ces traites à l’encaissement, quoique les débiteurs fussent disposés et en état de payer. Qui va supporter l’intérêt de cinquante-six mois? Si les commerçante refusent de payer ces intérêts moratoires, qui grèvent leur, dette de près die 25 %, leur crédit s’en trouve atteint; s’ils ont à les régler, que deviendra cette tranquillité d’esprit si nécessaire pour se remettre à flot et refaire sa vie, après plus de quatre ans où ils n’ont rien gagné et ont dépensé une partie, au moins, de leur capital ? Un grand nombre de réintégrés se perdent dans l’amas de circulaires qui se contredisent ou se superposent à plaisir. Un jour, il faut, pour obtenir une chose, s’adresser au ministre des Régions libérées ; le lendemain, c’est au ministre des Travaux publics; puis c’est par le préfet qu’il est indiqué de passer. Tout cela ne se produirait pas si l’on s’était décidé à créer un haut commis saire des pays libérés, qui con.ceiti'erait...
À propos
La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.
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