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La Croix, 17 octobre 1916

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La Croix
17 octobre 1916


Extrait du journal

La bataille du Jutland produit déjà une révolution dans les constructions navales. Faut-il rappeler que l’immense succès, à défaut de la victoire définitive, que les Anglais ont remporté sur la grande flotte allemande de haute mer est dû à l’action prompte et tenace des croiseurs de bataille de Beatty, navires qui ont été noblement sacrifiés pour maintenir le contact jusqu’à l’arrivée des lourdes divisions de Jellicoé. Le croiseur de bataille s’est affirmé. Qu’il soit ruineux, impuissant pour soutenir le choc, trop peu protégé, peu importe, une marine de hautes visées doit en avoir quand même. C est ce qu’ont compris les Américains, et ils sont allés d’un seul bond au delà des limites admises jusqu’ici pour la vitesse. L’on se contentait de 27 à 28 nœuds aux essais, ils en veulent 35. Pour soutenir cette vitesse dans la traversée de toute l’Atlan tique, il leur faut des appareils huit fois plus puissants que ceux qu’ils avaient construits pour leurs plus fortes unités, il leur faudrait aussi 12 000 tonnes de char bon ; ils renoncent au charbon jet imitent, les Anglais en adoptant la chauffe au pé trole permettant de ramener à 8000 tonnes la capacité des soutes. Entrés dans celte voie, ils s’y jettent à corps perdu. D’un seul trait de plume, ils signent les marchés pour 6 croiseurs de bataille, 10 éclaireurs, 50 des troyers, tous à 35 nœuds, et le fait est d’au tant plus remarquable que les Américains avaient .résisté jsqu’ici à la « folie » de leurs vitesses. Classe par classe, à déplace ment égal, les navires de guerre américains étaient plus lents que leurs similaires anglais. Pour ces puissances, pour ces vitesses, les machines alternatives sont abandonnées comme le charbon. Avec La chauffe au pé trole, les turbines et les générateurs élec triques, les variations de vitesse se feront avec une souplesse telle que l’on passera en quelques minutes de rallure de repos de 15 nœuds à la course folle de 35 nœuds (1). Cette révolution dans la vitesse attein dra-t-elle aussi les nouveaux navires de ligne qui se « traînent » à 21 nœuds? C’est plus que probable, car les Américains ne sont pas gens à faire les choses à demi, mais gare à la note à payer ! Elle est déjà de 1 600 millions, d’après les premières prévisions. Si les Etats-Unis veulent le même nombre d’unités, mai» à belle allure, ils pourront leur consacrer bon nombre des milliards qu’ils ont gagnés pendant ces deux années de guerre. Augmenter la vitesse, c’est bien, c’est même nécessaire, quelque lourds que soient les sacrifices d’argent que toutes les ma rines vont être entraînées à subir, mais quand songera-t-on à se protéger contre la torpille ? C’est ce que se demande l’un de nos plus distingués ingénieurs navals, M. G. Ferrand, dans le numéro du 22 avril 1916 de la Revue hebdomadaire. Il nous1 montre le rôle envahissant de ia torpille dû surtout à la « révélation » du’sousmarin. Fort heureusement, les Allemands n’ont pas eu les moyens d’avoir une flotte de sous-marins suffisante pour atteindre les deux buts que l’entrée en lice de l’An gleterre leur a suggérés : destruction une à une des plus puissantes unités de combat anglaises, blocus -commercial de l’Angle terre, c’est-à-dire sa capitulation par la faim et la ruine, par des procédés de ter reur. L’on a fait école, l’on a improvisé des procédés de chasse de ces terribles squales, « on se tira d’affaires, et, grâce aux facultés éminentes de notre race, le péril des sousmarins et de la torpille est endigué ». Pour le moment... mais plus tard ! quand le sous-marin se sera développé en nombre, en catégories répondant aux divers objec tifs ? Qui ne sent, devant ce problème an goissant de l’avenir, qu’il faut- trouver le moyen de préserver non seulement les navires de ligne, mais encore les paque bots, les immenses cargos, tout au moins contre les explosions des mines et des tor pilles ? Est-ce possible ? Je répondrai à cette question par une autre question : Quel est le marin qui croit pouvoir maintenir à flot un navire abordé par le travers par un gros bateau avec ou sans éperon, arrivant avec vitesse ? L’effet de la mine ou de la torpille — on l’augmentera s’il le faut — est tout aussi redoutable que celui de l’abordage. On arrivera peut-être à main tenir le cargo ou le paquebot atteint assez longtemps à flot pour sauver tout ou partie...

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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