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La Croix, 19 avril 1925

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La Croix
19 avril 1925


Extrait du journal

Un matin de Pâques... vers 6 heures. Les fidèles guettent l’arrivée des prêtres. L’un est venu dès l’ouverture de l’église... l’autre à 6 h. 1/4... le troisième à 6 h. i/2. Il s’est couché à i heure du matin, le pauvre ! A peine arrivé, entré dans son con fessionnal, le prêtre est immédiatement: entouré... encerclé, bloqué par une foule impatiente. Dans sa boite étroite, l’abbé con fesse !.. confesse !.. La veille, et les autres jours, il a déjà beaucoup confessé ; mais, alors, c'étaient des foules calmes. Ce matin, "on sent que chacun veut télescoper tous les devoir^ dans le moins de temps possible... assis tance à la messe, confession, communion pascale. Par le grillage; l’abbé observe... ! Sans doute, quelques-uns, dans des situations difficiles, sont très légitimemènt pressés. Mais beaucoup aussi, avec un peu de bonne volonté, auraient pu venir les jours précédents, et à des moments où les heures ne sont plus aussi exigeantes que le sont celles du matin. Enfin, l’abbé fera comme il pourra ! Tl tirera d’une situation déterminée le meilleur parti possible... système D, comme jadis pendant la guerre. *■ L’abhé a mis sa montre à la main, car, tout à l’heure, il aura sa messe à dire, et ensuite il devra présider celle d’un patronage de deux cents terribles gar çons. Aussi, il sabre les saintes âmes !.. 11 sabre quelques pénitents habituels, égarés ce matin à son guichet !.. Il bouscule les scrupuleux... se réser vant pour ceux qui, vraiment, ont le plus besoin de son ministère. Il vise surtout les hommes... les chers hommes ! Précisément, il en surveille un, assez nerveux, et qui pourrait bien lui échapper... En accélérant le. rythme île deux dames... en faisant un geste impératif de barrage à trois autres, il réussit à « accrocher » son homme avant l’heutre implacable où lui-même doit s’en aller. Il lui reste juste trois minutes... pas une de plus ! Déjà, à l’horizon de la contre-allée, se profile l’ombra du suisse, qui va venir le réquisitionner... — Ah ! mon cher Monsieur, comme je suis heureux d’avoir pu tenir jusqu’à vous !.. Ne dites pas le Confite or... nous gagnerons du temps... — Ça m’arrange... je ne me le rappelle plus !.. # L’homme s’installe, se frotte la mous tache et... finalement : — Interrogez-moi, Monsieur l’abbé.. ? — Tout de même !.. Voici trois jours que je confesse... Je n’ai plus de voix... Mettez-y un peu du vôtre !.. Commencez par me dire au moins quelque chose.. ? — Je m’accuse des pochés dont je ne me souviens pas... — Mais, d’abord, ceux dont vous vous souvenez !.. — Je ne trouve rien ! — Comment !» Vous ne trouvez rien.» depuis un an !... Pourtant, l’homme consent à se recon naître quelques petites poussières... Pour son propre compte, l’abbé en a plus, à son passif, tous les huit jours. Oui... mais l’abbé s’observe... Il voit les moindres choses ; il eu est choqué, et il les efface. Trois phases, qui supposent la confe*sion fréquente. L’autre est sincère. H ne voit pas ! Il ne voit plus... Quand on reste un an sans se laver... que ce soit un peu plus gris.» un peu moins gris... on n’y reconnaît plus grand’chose et le charbonnier .du coin ne se croit pas, lui-même, si noir que cela ! Et ce gris, même noir, ne choque pas, puisqu’on ne le constate pas. Conclusion : on ne l’efface pas ; on a perdu le sens de la délicatesse d’àme. * Les trois minutes sont écoulées. L’heure inexorable de la messe parois siale va sonner. Le suisse frappe la dalle d’une canne impérative. Et il y a vingt personnes qui attendent, d’autres qui arrivent., d’autres qui vont armer encore. Haletant, nerveux devant l’immensité do choses à dire et à faire... devant eetto moisson qui s’offre et qui manque d’ou vriers, l’abbé supplie cet homme de revenir plus tard, après sa communion pascale. Il lui parlera... lui « décrustera » son épiderme moral et lui rendra peutêtre sa sensibilité première... L’homme promet... Oui, mais ü ne reviendra pas. En voici, bel et bien pour un an ! Ces trois malheureuses minutes con stituent donc son unique ravitaillement pour toute l’année!., toute une année pendant laquelle l'attaque inférieure, et extérieure -sera incessante», toute une1 année, à notre époque!» au xx* siècle, le siècle du laïcisme triomphant... le siècle de là’ maison à renvefs... où...

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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