PRÉCÉDENT

La Croix, 24 août 1924

SUIVANT

URL invalide

La Croix
24 août 1924


Extrait du journal

Le National bat son plein... Une fois de plus, les foules, accou rues à Lourdes de tous les coins de la France, s’abîment dans la supplication, se relèvent dans l’espérance, frémissent au contact du surnaturel, refont leurs provisions d’énergie morale peur les lendemains angoissants... Et je me rappelle la mauvaise plai santerie que, dans les premiers jours de ce mois, la presse anticléricale oppo sait aux prudents et aux sages, lesquels s’étonnaient des facilités accordées par l’autorité aux manifestants communistes de Garches. ’ — Vous vous plaignez, leur disaitelle, qu’on ait organisé des trains spé ciaux pour mener à Garches les dis ciples de Lénine ?... Mais n’organiset-on pas d’autres trains spéciaux, dé nommés trains de pèlerinages, pour mener à Lourdes les disciples de Jésus ?... . Evidemment... # ' Mais est-ce aussi évident que cela ?... J’employai jadis un argument du jnême genre. Il y a longtemps. J’étais enfant... et je ne l’aurais pas été com plètement si je n’avais désiré jouer avec les allumettes. Un jour, j’en, allumai une: en ces temps lointains, elles prenaient encore. Je voulais voir... Je vis : je fus vite repéré, saisi en flagrant délit et forte ment tancé. — Mais, maman, dis-je pour m’excu ser, je peux bien frotter une allumette, puis'que papa le fait aussi. Vous le voyez, je raisonnais alors comme certains journaux le font au jourd’hui. Ma mère se chargea d’ailleurs de remettre au point ma dialectique naissante : je ne me rappelle plus ses arguments, mais ils durent être frap pants, car je ne recommençai plus avant d’en avoir obtenu licence. O logique enfantine !... Bébé peut bien enflammer une allumette puisque papa le fait— L’armurier peut bien vendre un revolver à un client douteux puisqu’il 1© fait à un client dont l’hon nêteté lui est connue— On peut bien laisser les fous en liberté puisqu’on y laisse les gens sensés- Le préfet peut bien donner 4 un incapable un permis de conduire puisqu’il en donne a ceux qui savent— L’autorité peut bien favo riser les manifestations dangereuses puisqu’elle facilite les pèlerinages à Lourdes... Tous ces raisonnements se valent..., ce qui ne veut pas dire qu’ils vaillent grand’chose. & Au fait, en y réfléchissant, on trouve rait peut-être quelques différences entre les manifestants de Garches et ceux de Lourdes : différences qui pourraient suf fire à justifier une différence de traite ment à leur égard. Examinons". Tout d’abord, parmi ceux de Garches se trouvaient, au moins de cœur, ces cheminots révoqués pour avoir saboté des lignes de chemin de fer. On ne me fera pas croire que lesdits cheminots aillent en pèlerinage à Lourdes ?.. Et voilà déjà une différence qui a son poids : le cheminot qui aurait pu me faire dérailler est un pèlerin de Garches... Et moi, pèlerin de Lourdes, j’aurais pu être victime d’un de ces gestes qu’on appelle « euphémique ment » la propagande par le fait. Ne trouvez-vous pas déjà qu’il y a là une nuance appréciable ?... & Allons plus loin. Ceux de Garches ne font pas mys tère de leur volonté de détruire l'infâme capital. Or, les Compagnies de chemins de fer sont « capitalistes » et elles sont nommément visées par les théoriciens communistes : « Ce qui est à toi est à moi », c’est ainsi qu’ils comprennent le fameux partage fixé au grand soir. Pourrait-on accuser d’abus de pouvoir une compagnie qui refuserait des armes à ses ennemis ?... Une société qui s’abs tiendrait de favoriser ceux qui, ouver tement, visent à renverser les bases mêmes sur lesquelles elle est Assise ?— Quant à ceux de Lourdes, on connaît leurs théories sociales. Ils ne prétendent pas que la société soit parfaite, mais s’ils songent à l’améliorer, ils ne pensent pas à la détruire : quand une maison a un appartement mal distribué, on cor rige l’appartement, on ne* démolit pas la maison. Us veulent, ltes pèlerins de Lourdes, que la justice règne de plus en plus dans l’ordre social, que la charité en lu brifie tes rouages ; ils connaissent la loi de l’aumône, et ils disent, non plus : ce qui est à toi est à moi, mais bien : une partie de ce qui est à moi est à loi. Ne trouvez-vous pas qu’ri y a là une deuxième nuance, tout aussi appréciable que la première ?... Au moment même où j’écris ces lignes, j’entends un prêtre, au milieu de l’esplanade du Rosaire, clamer cette invocation : — Notre-Dame de Lourdes, bénissez notre patrie / Et vingt mille voix lui font écho : — Notre-Dame de Lourdes, bénissez notre patrie / La patrie, voilà ce qu’on n’entendra point magnifier à Garches !... On y a chanté 17 nier nationale. A Lourdes, au contraire... Tenez, voici un fait qui date de quelques jours. AI l’hôtel où j’étais descendu se trouvaient...

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

En savoir plus
Données de classification
  • guillibert
  • napoléon
  • herriot
  • baudouy
  • kaspar
  • poincaré
  • grellier
  • blum
  • millerand
  • peyramale
  • france
  • garches
  • paris
  • saint
  • londres
  • lourdes
  • autriche
  • laval
  • rennes
  • lisieux
  • bayard
  • quelques mots
  • michelin
  • b. c.
  • ligue patriotique des françaises
  • comité de lorraine
  • sénat
  • napo
  • la république
  • bce