Extrait du journal

sacerdoce à l’heure présente. Jadis, il y avait; de loin en loin, un rare et officiel aumônier ; aujourd’hui l’aumônier, officiel ou non, est partout. Et partout il trouve le terrain préparé. La France est comme labourée par la guerre, prête à recevoir la semence des idées les plus graves ; les questions d’audelà sont sans cesse présentes à tous les esprits, et le prêtre est seul qualifié pour y répondre au nom de la solennelle et vingt fois séculaire Eglise. Et si le prêtre est cela aujourd’hui, que sera-t-il demain, quand tant de ruines se ront à relever, tant de larmes d’épouses et de mères à essuyer, tant d’orphelins à re cueillir, tant de paroisses à évangéliser... Le prêtre, devenu rare, sortira de la guerre, comme le bon métal sort du feu, épuré, honoré, grandi, désiré par les populations. Et ce sera la moisson immense... Que l’ouvrier soit donc à la hauteur de la tâche !... Et qu’il s’y tue, si c’est nécessaire !... Impendar et suverimpendar... * Lee prêtres écoutent, comme aucun audi toire n’écoute. Au feu des paroles, les âmes s’aiguisent, comme s’aiguise un glaive. On lit sur les figures les résolutions si lencieuses, les sacrifices consentis, l’abné gation du moi, l'être tout entier cherchant à se fondre dans l’idéal surhumain que chantait Lacordaire sous les voûtes de Notre-Dame : Seigneur Jésus, c’est donc à vous que j’arrive aujourd’hui... à cette divine figure qui est chaque jour l’objet dé nia contem plation, à vos pieds sacrés que j’ai baisés tant de fois, à vos mains adorables qui m’ont si souvent béni, à votre chef cou ronné de gloire et d’épines, à cette vie dont j’ai respiré le parfum dès ma nais sance, que mon adolescence à méconnue, que ma jeunesse à reconquise, que mon âge mûr adore et annonce à toute créa-, iure... O Père!... O Maître h.. O Ami !... O Jésus dont le nom sacré m’émeut jusqu’au fond des entrailles et m’arrache ce cri que je ne connaissais pas... # Un salut très simple termine la réunion. Elle a duré une demi-heure, mais ce fut très bon. L’on s’en va... Par les avenues de plus en plus sombres, chacun se hâte vers sa caserne, son ambu lance, son train sanitaire. Et, en les croisant dans la rue, sous l'uni forme anonyme du soldat français, aucun passant ne soupçonne qu’il croise un prêtre, un moine, un évêque peut-être... Temps nouveaux !.. Pierre l’Ermite....