Extrait du journal
LE REYE1IBISMRCK L’ancien chancelier de l’empire d’Alle magne fait parler de lui. Né le i*r avril 1815, M. de Bismarck accomplit sa 80° année. L’agitation que ses amis, les amis de sa poli tique, ont produite à cette occasion, dépasse toutes les bornes. Les empereurs romains ne se faisaient pas décerner d’honneurs plus bruyants quand il leur prenait fantaisie de se faire passer pour des dieux. On dirait un revenant. Voilà cinq ans qu'il a disparu officiellement de la scène. Mais il n’a jamais accepté de faire le mort. C’est un vieillard prodigieusement vert. Après avoir pendant «10 ans porté le poids des affaires, et remué l’Europe comme l’on sait, il n'a pas su accepter la retraite que le maître lui avait donnée. Non moins que lors qu’il était au pouvoir, il a. su depuis faire parler chaque jour de lui, faire répéter par tout ce qu’il avait pensé ou dit sur n'importe quels hommes, et n’importe quelles ques tions. 11 faisait mouvoir mille ressorts inat tendus. Sans cesse il organisait ou faisait organiser des manifestations à l’endroit du vieux solitaire. Il recevait de3 visites nom breuses, des députations à chaque occasion et sans occasion. U continuait à écrire ou à dicter d’innombrables articles de journaux. 11 a rendu la vie dure et impossible à son successeur, il a tenu la parole qu’il avait prononcée (en français) lors de sa disgrâce : « Le roi me reverra », et il n’a pas omis un t seul jour de venir s’étaler,comme Mardochée, sous les fenêtres du roï, S'il n'allait pas s’y promener de sa personne, il ne permettait pas qu’on le prît pour une quantité négli geable ou pour un fossile. Or, dans toutes ces manifestations, il est resté ce qu’il était. Il a continué à pour suivre de sa haine tout ce qui n'avait pas fléchi le genou devant lui. Aussi bien que toutes ses facultés, il a conservé toutes ses haines. Il hait l’Eglise catholique; il hait le peuplé qui travaille. Il a fait ce qu(il a pu pour tuer l’Eglise, et il n’a reculé devant l’opposition que lui faisaitleCentre,qu’après avoir constaté que la résistance des catho liques grandissait dans la proportion même de la persécution. Les revendications ouvrières étaient non avenues pour lui. 11 ne voulait d'aucune réforme sociale. 11 combattait avec acharne ment les lois destinées à procurer aux ouvriers le repos du dimanche, et il n’avait pas d’autre intelligence du mouvement socia liste que de le traiter par la caniisole de force et par la mitraille. Toutes ces idées lui demeurent, et ces jours-ci encore, il disait avec âpreté dans son journal les Hamburger Nachrichten, combienil avaiteu incessamment à combattre putre les Polonais, les Danois, les Alsaciens et les guelfes, en premier les socialistes et les ultramontains. Pendant les trente ans qu’il fut au pou voir, il n’a jamais connu qu’une même poli tique. Lui-même la dénommait une politique de fer et de sang. Il a expulsé l’Autriche de la Confédération germanique et lui a ravi diverses provinces. Des autres principautés allemandes, il a supprimé les unes et .il a groupé les autres autour de la Prusse comme des satellites autour de leur astre. Il a an nexé le Schleswig, il a annexé l’Alsace et la Lorraine. Il a fait l’Allemagne d’aujourd’hui. Mais sa pression s’est exercée et continuera indéfiniment à s’exercer sur l’Europe entière. L’Allemagne est devenue, grâce à lui, un vaste camp retranché. Tous les pays de l'Europe sont de même devenus des camps retranchés. La vie politique, la vie écono mique, la vie sociale de tous les peuples souffre indiciblement de cette situation. Si le i grand homme » jouit aujourd’hui de ses triomphes, ce sont des triomphes mêlés de beaucoup de larmes; mais ce sont les larmes des autres. A-t-il jamais compris quelque chose à ces larmes? Il ne semble pas. Son biographe et confident, M. Busch, raconte qu’un soir d’hiver, le chancelier, assis devant son feu, conversait sur les armées et les peuples qu’il avait précipités dans la mêlée pour s’entre-tuer. Il montrait comment cela s’était fait, et il mettait bûche sur bûche dans, son fourneau pour les faire flamber. Mais bientôt il se redressa, et ces noirs sou venirs né laissèrent plus de traces. Qu’est donc M. de Bismarck pour nous?...
À propos
La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.
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