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La Croix, 27 mars 1921

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La Croix
27 mars 1921


Extrait du journal

Une femme heureuse... idéalement, infiniment heureuse, c’est celle qui vient d’inspirer ces quelques lignes. Elle avait presque désespéré de voir ce jour. Et elle l’a vu... elle l’a vécu ; son cœur en a été empli d’une telle allé gresse, qu’en fermant les yeux, cette femme pouvait se croire en plein pa radis, toute en une joie immense, défi nitive, que rien, ni personne, ne pouvait désormais lui enlever. Ce jour ne s’est pas levé sans une dure rançon. Elle l’a préparé depuis quelque vingt ans... du jour même de son mariage. Mélancolie des plus belles noces quand, prie-Dieu à prie-Dieu, on re marque les ignorances, les gaucheries de celui qu’on rêverait tant supérieur à soi, pour l’aimer sans une ombre, sans une réserve. Supérieur- ? Alors... non, son mari ne lui était pas supérieur. Il avait perdu la foi, si tant est qu’il l’efit jamais possédée. Elle avait sombré dans ce passage redoutable que doivent tant préparer les manieurs d’âmes... à ce moment où, dans l’ivresse sournoise des passions nais santes, le jeune homme réagit person nellement sur les données reçues passive ment pendant les années du pauvre petit catéchisme. * On ne conserve que ce qu’on défend. Il n’avait rien défendu. A quoi bon ! La vie ne venait-elle pas à lui, la œupe pleine des plus magnifiques promesses ? Premier partout, reçu dans la plus intelligente société, il était de ceux qui n'ont qu’à jeter le mouchoir. Et, par-dessus les poupées de bal, il l’avait jeté, à elle, sa femme d'aujour d'hui. La jeune fille d’alors avait même hésité à en accepter l’hommage, préci sément parce que celui qui sollicitait sa, main n’avait pas la foi. Oh ! il n’étâit pas ennemi. Il se montrait même très respectueux, recevant son curé de campagne, accom pagnant sa femme parfois ù la messe, pour lui faire plaisir. Mais il s’y ennuyait terriblement, sur tout quand M. le curé prêchait trop longtemps. C’est pourquoi sa femme ne lui de mandait presque jamais rien. Avec cette nature entière, toute pres sion était, d’avanoe, une régression. Il ne pouvait y avoir de sérieux qu’une plante qui pousserait dans de l’absolue liberté. Mais pousserait-elle, cette plante ? Un beau matin de Pâques, sa femme la verrait-elle enfin fleurir.. ? & La jeune fille emplit son âme du parfum de toutes les vertus qu’elle acquiert ; c’est sa « réserve » d’amour pour embaumer la vie de celui, qu’un jour Dieu lui donnera à aimer. De cette jeune fille, la « réserve » était grande. Son amour l’avait augmentée encore, et comme parfumée de pitié. C’était tellement dommage de voir cet homme, parfait à tous les autres points de vue, accepter cette infériorité, cette tare, de ne point comprendre son impé ratif devoir religieux, le premier de tous ! Alors sa femme prêchait par la voix douce de cette prédication suprême, qu’est l’exemple silencieux. Maison parfaitement tenue... Bonne pour tous, sévère pour ellemême, mais d’une sévérité que Dieu seul voyait, cette épouse savait que si Dieu a fait les fleurs jolies, c’est — contre toute apparence — pour que les femmes les offrent à leur mari, ne serait-ce que pour voiler l'emprise de leur apostolat. Et la première fleur, c’était elle-même tout imprégnée d’un beau et grand christianisme, intelligent et sûr. Elle voyait nettement que c’était par la grande nef claire qu’un homme, droit comme le sien, devait aller vers le tabernacle— la nef où l’on chante l’unique Credo de l’unique Eglise. & La prédication se continuait sans las situde, mais sans résultat apparent. Pas un jour, la femme ne se décou ragea. On ne sait pas tout le bien qu’on fait quand on fait du bien, et Dieu ne laisse pas toujours moissonner celui qui a semé. D'avance, elle acceptait cette tristesse j de n’aller jamais communier à côté de celui qui était la moitié d’elle-même, et avec lequel elle avait rêvé d'être « une» en Dieu. Et puis !.. et puis !.. Tout arrive, même ie bonheur des bonheurs... Elle avait remarqué que, depuis la guerre, son mari priait à la messe. Elle l'avait vu, un jour, entrer seul, et de lui-même, à sa paroissiale église ; et pour respecter sa liberté, elle s’était abstenue d’v entrer ce soir-là. Elle avait trouvé plusieurs fois, à une {>lace qui n’était pas leur place, des ivres intéressants et religieux....

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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