Extrait du journal

XTn maçon est venu, cette se maine, devant chez moi, avec ses outils et un sac de plâtre. 11 a fait douze trous..., a scellé douze poteaux de bois sur lesquels il à cloué des planches. Et il n’était pas plutôt parti qu’un autre homme est arrivé. Il avait une longue blouse blanche, un pot à colle et des papiers rouges qu’il a collés avec soin. Pendant qu’il collait, un autre homme est venu, et, lui aussi, il a collé du papier... biais ce papier était vert. Puis, un troisième, qui a collé du papier jaune. Puis, un quatrième, du papier bleu... Puis, un cinquième... Puis, un sixième... Et chacune de ces affiches, en des termes véhéments, disait le contraire de l’autre : « Menteur !.. Vendu !.. » « Alors, des groupes se formèrent, et chacun lisait les affiches. Je les observais «de ma fenêtre. Les uns partaient, en riant... D’autres, en haussant les épaules. Ceux-ci disaient ; « Hein, ça, e’esfc tapé ?.. » ; Ceux-là répondaient : « Faut-il, tout de même, qu’on nous regarde comme des crétins pour croire un seul instant que nous allons avaler de pareilles sottises !.. » Souvent, quelques-uns restaient. C’était presque toujours des ou vriers. Ils lisaient toutes les affiches..., les relisaient..., les comparaient... Et, enfin, ils s’en allaient, mais lentement, s’interrogeant euxmêmes : « Où est la vérité.. ? Au bord de quel puits faut-il l’at tendre.. ?» # » Et moi, je pensais que, dans toute la France, il en était ainsi. Au fond du dernier village du plus lointain département, on colle des affiches sur lesquelles oti ment, on insuite,1 on calomnie, on fait appel aux pires instincts' de là bête humaine. — Mentez !.. Mentez !.. écrivait Voltaire, il en restera toujours quelque chose. Oui, il en reste quelque chosè. Quelquefois même, il reste tout. Dans les villages, où l’on ne « sait » pas..., où l’on ne peut pas savoir..., où une chose devient une vérité dès qu’elle est imprimée, le paysan ou l’ouvrier, rentré chez lui, doit parfois, lui aussi, lùi sur tout, se prendre la tête à deux mains et répéter la phrase : « Où donc, enfin, est la vérité.. ? » 'tiraillé à droite..., tiraillé à gauche..,, les bras devenus bal lants : « Pour qui faut-il voter ? » » - # Dans les paquets de photogra phies d’actualités que les agences envoient aux rédactions, j’en ai trouvé une, absolument horrible. La scène se passe dans un vil lage de cette Russie, sous le joug de laquelle ou veut tant mettre le cerveau du monde. Comme la religion y est tra quée, la superstition y pousse dru. Et quelle superstition ! Des paysans, pour obtenir de la pluie, ont -décidé d’écarteier une jument blanche, la plus belle du troupeau. La photographie — elle est de la semaine dernière — montre le supplice de la malheureuse bête : on lui a durement replié et ligoté les jambes; Chacune est attachée à un timon que d’autres chevaux vont tirer dans les quatre direc tions. Les oreilles aplaties, les yeux exorbités,' les naseaux ou verts, l’animal souffre..., souffre !:. Et ce qu’il souffre n’est rien en comparaison de ce qu’il souffrira dans (quelques instants, quand il sera déchiqueté... Il me semble que l'ouvrier français est moralement dans , une situation semblable. Ligoté par les violents de son parti, il a perdu, -dans une foule d’usiqes, toute la liberté de son vote. Cërébralement, il est écartelé par les affirmations des uns, les démentis des autres, et par sa conscience honnête, laquelle, au fond de son « moi », lui indique quand même la vérité. Et il pressent que ce qu’il souffre n’est rien en comparaison de ce qui arriverait si jamais, ô horreur !.. le communiste triom phait. Il a des yeux pour voir et des oreilles pour entendre. Or, il voit et il entend ceci : Les communistes préparent, ou vertement la révolution, avec Vap pui des fanatiques, des pires élé ments étrangers et de la basse pègre. S’ils parviennent à déclancher des troubles, les classes les moins...