Extrait du journal

C’est, une bien curieuse aventure que celle qui arrive à M. Pierre Vaux, dé puté de Dijon ! Cet homme a été créé et mis au monde législatif par un comité. A l’heure où les membres de ce comité, armés de la lanterne de Diogène, cher chaient un candidat à travers les rues et les carrefours de la bonne cité bourguignonne, il se présenta à eux : — Vous cherchez un candidat ? Je suis votre homme. — Notre homme 1 Savez-vous seule ment ce que nous exigeons de lui ? — 11 n’importe I Parlez : tout ce que vous exigerez, je le promettrai. — Tout ? — Tout. — Même la lune? — Même la lune. — Nous parlons sérieusement. — Moi aussi. — Il est bien entendu que vous nous donnerez la lune? — Entendu !... Et c’est ainsi que M. Pierre Vaux fut acclamé par le comité socialiste de Di jon, présenté aux électeurs de la cir conscription et élu député. Entre temps, il avait remis au comité sa démission en blanc, garantie des engagements qu’il avait souscrits. Tout alla bien jusque-là. Les Diogènes dijonnais se félicitaient d’avoir enfin découvert un homme. De son côté, M Pierre Vaux se félicitait d’avoir décro ché la timbale objet de ses ardeurs. Mais une fois le député installé au PalaisBourbon, la guerre éclata entre les par ties. Le comité demanda au député la réa lisation des promesses du candidat. Il demanda la lune. — La lune ! Quelle lune? Je vous ai promis la lune? — Assurément. — Vous rêvez, mes amis. C’est vous qui êtes dans la lune. On voit d’ici la tête des membres du comité. Ils coururent à leurs archives et en rapportèrent le texte du mandat. Il y était dit notamment que le député viendrait régulièrement leur rendre compte de son mandat ; qu’il abandon nerait une partie de son indemnité en leur faveur ; qu’il travaillerait de con cert avec eux à la diffusion des idées socialistes dans le département ; qu’il se rait, en un mot, un instrument docile entre leurs mains. Sans doute, M. Pierre Vaux, une fois à Paris, avait-il trouvé la chaîne un peu lourde : il s’affranchit de ses promes ses. De là la colère du parti qui, dans une réunion solennelle, vient de pro noncer contre lui l’excommunication majeure en l’excluant de ses rangs. « Il a manqué, dit le procès-verbal de la réunion, à ses engagements moraux et financiers concernant les frais de son élection et la propagande socialiste dans la région. » . , , En somme, il avait promis la lune a ses électeurs : il ne la leur a pas don née ; il est donc indigne de conserver son mandat. Tel est le jugement rendu contre M. Pierre Vaux. Ce n’est pas nous qui le trouverons trop sévère. Comment nier que la déchéance dont est frappé le député socialiste soit le résultat logique de la non-exécution du contrat qu'il avait accepté ? Pourquoi s’était-il engagé ? Pourquoi de si min tiques promesses ? Quand on accepte l’absurde pratique du mandat impéra tif, il faut en subir toutes les conse^iTesTvrai qu’un tel contrat n’a pas de sanction directe. Ceux qui l’inspirent ont bien cherché à lui en donner une en faisant signer au député élu une dé mission en blanc qui reste entre leuis mains comme un aiguillon dont ils tont usage pour exciter leur mandataire a la marche et lui faire prendre telle route qui leur convient, ou comme une arme avec laquelle ils frappent. .... , C’est ainsi que le comité socialiste de Dijon se dispose à envoyer la démission de M Pierre Vaux au president de la Chambre. Mais M. Pierre Vaux peut, s’il le veut, rendre cette démarché tout à fait stérile en retirant ladite démission avant nue le president en ait donne communication à la Chambre. Tout dé pend de Jui. Niais, que M. Pierre Vaux se retire ou ne se retire pas, 1 incident...