Extrait du journal

Bourges, le 18 juin 1891. Il y a quelque chose de touchant et, ajouterons-nous, de profondément honorable dans l’exposé des motifs de la proposition de loi qui vient d’être présentée à la Chambre par M. Henri de Lacretelle sur la création d’asiles des enfants nouveaux-nés. « La Chambre, dit l’honorable dé puté de Saône-et-Loire, me pardon nera ma persévérance. S’obstiner et se renfermer dans ce qu’on croit être un bien et un devoir social est quel quefois le moyen de les réaliser. Je me sens fier de reprendre la même thèse. Je me crois soutenu par le grand cou rant de l’opinion publique. Il nous conduira au port, mes amis, mon idée et moi. « C’est la cinquième fois que j’es saye de protéger la vie de l’enfant et la conscience de sa mère contre le plus abominable de tous les crimes. » Et, après avoir rappelé ses efforts et ceux de ses collaborateurs, M. de Lacretelle, avec une conviction que les années n’ont fait qu’accroître, ajoute avec raison : « Si la loi est votée, les avortements sous toutes les formes, qui déciment la population, ne seront plus que des exceptions monstrueuses. La nature ne sera plus violée dans le plus sacré de ses instincts. Un progrès immense sera fait par la solution d’une des plus graves questions sociales. Abri tez la jeune mère pendant une heure d’angoisse et donnez-lui la possibilité de retrouver son enfant. Qu’elle sache que sa condamnation n’est pas sans appel, et que quelqu’un, qui se nomme l’Etat, veille sur elle et sur son enfant, et vous aurez fait une œuvre sainte, par des mains laïques ». Comme le disait en effet Lamar tine, parlant, il y a quarante ans, sur le même sujet, à la Chambre des Dé putés : « Les questions sont plus hautes, plus complexes, plus pro fondes. Elles ne se résolvent pas seule ment et en logique et en sentiment, mais en honte et en danger pour la société ». Rien n’est plus vrai ; la non protec tion de la loi pour les mères est aussi un appauvrissement pour la nation française. Combien sera-t-elle plus forte et plus riche si l’on parvient à diminuer le chiffre effroyable des morts-nés....