Extrait du journal

LA CONVERSION Ce n’est point sans un légitime senti ment de fierté que nous avons enregistré les heureux résultats de l’opération de la conversion. On a seulement demandé le remboursement de quarante mille francs de rente sur un capital de sept milliards! Se peut-il une plus éclatante démonstra tion de la solidité du crédit de l’Etat français ! Et n’éprouve-t-on pas une véritable joie patriotique à le constater, quand on voit d’autres nations faire labo rieusement et avec des frais énormes des opérations du même genre, quand d’au tres n’arrivent à placer leur papier qu’à des taux usuraires, ou même n’en trou vent nulle part preneur? Sans doute on dira que l’intérêt de la rente baisse tous les jours et s’est établi d’une façon normale au taux de trois pour cent ; on fera remarquer que les capitaux sont devenus timides à la suite de cruelles expériences, qu’ils ne se risquent plus dans des entreprises nouvelles et que le rentier en est arrivé à préférer aux aléas qui pourraient être rémunérateurs, un intérêt médiocre pourvu qu’il soit assuré. On ne manquera pas d’ajouter que l’opé ration a été comprise et dirigée de main de maître par M. le ministre des finances. Il n’en reste pas moins que si la fortune publique du pays n’était point* solide ment établie, n’inspirait pas une con fiance universelle, beaucoup de créanciers auraient profité de l’occasion qui leur était-efïerte de rentrer dans leurs fonds et auraient préféré les laisser dormir improductifs dans leur cofTre-fort ou leur bas de laine. Et n’est-ce point merveilleux, ce crédit de l’Etat français, quand on jette un coup d’œil en arrière sur les vingt dernières années, quand on voit avec quelle rapidité ont été pansées les plaies et réparées les ruines de la guerre étrangère et de la guerre civile, avec quelle solidité s’est ins tallé un nouveau régime pendant long temps quotidiennement battu en brèche, jusqu’en ces derniers jours mis en péril par des appétits inavouables, avec quelle aisance on a reconstitué l’armée et la ma rine, refait une administration ? Et n’at-on pas le droit de dire que ce sont précisément ces prodiges qui ont assuré sur des bases inébranlables le crédit de l’Etat? Au point de vue budgétaire, on peut dire que l’opération de la conversion est excellente pour nos finances ; elle procure au Trésor une économie annuelle de 68 millions sans augmenter d’un centime le capital nominal de la dette. M. Paul Leroy-Beaulieu, à ce propos, nous fait le compte très intéressant des réductions d’intérêt opérées en ces dernières années. « La rente 5 0/0, crée au lendemain de nos désastres, a été réduite de 102 mil lions de francs dans les deux mutilations qu’elle a subies. Le vieux 4 112, celui qui existait avant la guerre et le vieux 4 ojo ont été, eux aussi, amputés. L’emprunt Morgan a été, hier, émacié et allongé ; on en a réduit l’intérêt et étendu la période de remboursement. Les an ciennes obligations trentenaires 4 o]o du Trésor ont subi le même sort, qui est échu également aux bons de liquidation, aux annuités de la Société générale algé rienne et à bien d’autres engagements divers qui allongeraient démesurément cette nomenclature. Nos financiers, depuis quinze ans, avec un zèle méritoire, ont fureté dans le budget pour y décou vrir quelque annuité du Trésor jusque-là épargnée et que l’on pût convertir. Combien leur a rapporté toute cette série de conversions ? Nous n’ayons pas fait le compte. Mais cela doit bien aller à quelque chose comme 125 millions par an. liés rentiers touchent cette somme en moins; le Trésor a fait cette écono mie. » , L’Etat peut s’applaudir de ce résultat,...