Extrait du journal
Une réunion d’anarchistes, destinée à un grand retentissement, s’est tenue dimanche dernier presque sous nos murs. Comme toujours, la police est arrivée trop tard et nous ne pourrions remplir notre devoir d’informateur bien renseigné sans l’obligeante indiscrétion d’un garde forestier, qui s’est trouvé là {>ar hasard, et qui connaît parfaitement e langage des bêtes. Car il ne s’agit pour le moment, ami lecteur, que du peuple des animaux, à plume et à poil. Chacun sait que depuis le bon Lafontaine les grandes fauves qui leur servaient de Rois ont disparu. Maintenant ils sont organisés en Répu blique collectiviste qui pourrait presque en remontrer à l’idéal de Jules Guesde car chez eux l’héritage n’existe pas, la propriété est limitée au strict nécessaire, enfin les femmes y sont communes. La réunion était motivée par les battues consécutives qui ont eu lieu ces derniers temps à la Forêt de Vierzon et l’on avait choisi le premier dimanche après la fermeture pour discuter en commun des mesures défensives à prendre. Tous les intéressés se trouvaient là en nombre, cerfs, chevreuils, faisans et autres animaux nobles à droite, renards, putois et blaireaux au centre, et les lapins à l’extrême gauche. La présidence fut donnée par accla mation à un vieux sanglier, auvergnat, renommé par ses coups de boutoir, et la discussion commença aussitôt. Le doyen des cerfs prit la parole et proposa d’agir par pression sur les fonc tionnaires du département, grâce à l’intermédiaire d’un sien parent, séna teur influent et distingué. La motion fut repoussée d’enthousias me comme entachée de tyrannie. Aussi tôt les clameurs apaisées, le délégué des chevreuils émit l’idée que l’on pourrait bien adresser une pétition au groupe socialiste de la Chambre dont la mansué tude pour les basses classes est telle qu’il doit forcément rejaillir quelque chose sur les animaux. Un vieux lièvre fit aussitôt remarquer que peu de jours auparavant Baudin avait tenu une réu nion au milieu des bûcherons de la fôret et qu’il leur avait promis qu’aussitôt qu’il serait le maître tout le monde chasserait trois fois par semaine aux frais de l’Etat avec un fusil à percussion centrale et des cartouches fournies gra tuitement par la commune, des lors, ajouta-t-il, il est évident que le gibier disparaîtra en peu de jours, que nous serons tous exterminés et que les socia listes n’ont pas si bon cœur qu’on le dit. A mort le capucin, s’écria aussitôt d’une seule voix le clan des lapins et vive l’anarchie ! C’est à nous que doit revenir l’honneur de sauver la société des bêtes en anéantissant la société des hommes. Désormais, plus de bornes à nos mines envahissantes, à nos terriers dé vastateurs. à notre dent féroce et impi toyable ! Que tout le monde s’unisse à nos efforts ! En avant, mes frères, pour la destruc tion de l’humanité ! Des trépignements d’enthousiasme éclatèrent de toute part ainsi qu’un cri prolongé de « Vive la Commune ». On ne sait ce qui allait advenir ni quelle résolution diabolique allait être prise quand soudain des aboiements se firent entendre. C’était un chien de braconnier peu au courant du calendrier...
À propos
Fondée en 1893, La Dépêche du Berry était un journal régional suivant une ligne éditoriale de centre-gauche, ou « radicale ». Il paraît jusqu'en 1944.
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