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La Dépêche du Berry, 10 juin 1937

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La Dépêche du Berry
10 juin 1937


Extrait du journal

Gare aux mécomptes ! Pluie de discours, sous un soleil implacable, telle fut, pourrait-on dire, la dernière journée dominicale. A la manifestation anniversaire du Rassemblement populaire, M. Léon Blum a proclame que < tout allait très bien » et a donné rendez-vous à ses auditeurs, au même lieu, pour l'an prochain. C’est peut-être d’autant plus osé que, à la même heure, le Président Daladier et le Président Albert Sarraut faisaient entendre, à Saint-Gaudens, un tout autre son de cloche. < Servir le peuple, c’est d’abord lui dire la vérité >, s’est exclamé le Président Daladier ; et il a insisté avec force sur la nécessité de « l’accroissement de la production, de l’amélioration du rendement par le travail discipliné et l’ordre qui, dans une démocratie, résulte du respect des contrats et de la souveraineté de la loi. > Autrement, ce pourrait être 1’ < échec de l’entreprise la plus généreuse qui ait été tentée dans notre pays et peut-être même dans le monde. » Par ailleurs, M. Léon Jouhaux. discourant à Clermont-Ferrand, aurait laissé entendre — ce qui donne lieu du reste à des controverses — que « si demain les événements parlementaires faisaient choir le Gouvernement, la C. G. T. ne l’accepterait pas. > Qu’est-ce à dire, et comment ne pas voir là un singulier rapprochement avec le propre lan gage du Président du Conseil laissant entendre que si < son expérience ne réussissait pas, à l’intérieur du cadre légal et à l’aide des institutions démocratiques, par une coalition des partis >, ce serait grave ! Que faut-il entendre par là ? Que si l’expérience gouvernementale en cours ne réussissait pas sur le terraip de la légalité, .on pourrait y substituer le désordre de la rue ? Ce serait chose grave, en effet, et nous voulons espérer qu’on y réfléchira à deux fois, de quelque côté que ce soit, avant de se déterminer à cette alternative singulièrement dangeî euse. M. Emile Bure écrit que < sans rien abandonner de ses idées révotionnaires. M. Léon Blum, s’il était sage, reconnaîtrait que la classe ouvrière, dans sa montée, est, compte tenu de sa capacité actuelle, arrivée à une étape qu’elle ne saurait dépasser maintenant sans péril pour elle, pour la nation, et il passerait la main de bonne grâce, déjouant ainsi les intrigues des factieux de droite et de gauche, qui comptent rien que sa faillite leur livrera la rue ! » M. Frossard, lui, estime < que tant que l’expérience Blum sera protégée, soutenue, applaudie par l’opinion publique, elle ne rencontrera pas d’obstacles sérieux dans les deux Chambres. Si l’opinion publique la désavouait ou l’abandonnait, elle ne résisterait point au premier assaut. > Et il se félicite, à cet effet. < des résultats des élections par tielles, qui attestent que la volonté du pays, depuis un an, n’a pas changé. > Mais il s’alarme < des difficultés financières, qu’il convient rie se représenter avec franchise, avec courage, à l’heure où M. VincentAuriol achève de préparer des projets d’impôts et de taxes que ni les Chambres, ni 1rs contribuables, ne salueront, de cris d’allégresse. » Si on en croit, en effet, la rumeur venue des couloirs des deux Assemblées, la situation financière irait en s'aggravant, ce que nous avons toujours dit. et l’heure des décisions héroïques ne tarderait pas à sonner. Entendons par là que, de toute évidence, le Gouvernement., ne pouvant plus faire face aux besoins de la Trésorerie, ni par des ressources d'emprunt, ni par de nouvelles avances de la Banque de France, songerait à nous infliger des relèvements de taxes et d’impôts directs et indirects. Et. si nous en croyons les échos venus jusqu’à nous, il s’agirait de relèvements importants. Nul ne songe à nier qu’il n’y ait à faire face à des besoins urgents. La dévaluation n'a pas produit les bons effets qu'on pouvait en attendre, parce que réalisée dans de mauvaises conditions. Le déficit budgétaire ii’a pas été résorbé par la réforme du chiffre d’affaires, tant s’en faut, parce que la production n'augmente pas et que les affaires demeurent incertaines et stagnantes. Quant aux besoins hors budget — à supposer que roux do la Défense Nationale soient assurés, ce qui n’est rien moins Que sur — ils demeurent massifs, et en ne voit plus bien par quels moyens on peut les financer. Alors, à quoi bon les panégyriques anniversaires et les panneauxreelames laissant entendre qu'on a fait monts et merveilles, et que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, alors que tout le monde sait que la Trésorerie est à sec et que, ni pour les besoins do l’Etat, ni pour veux des collectivités, on ne peut présentement obtenir la moindre certitude de financement. Il ne s’agit plus, pour l'heure, de jeter de la poudre aux yeux, il s’agit de voir clair et de serrer les réalités d’aussi près que possible. On s’apercevra alors que le fameux slogan « tout va bien > n’est qu'un vulgaire trompe-l’œil et qu’il pourrait bien nous réserver de sérieux mécomptes....

À propos

Fondée en 1893, La Dépêche du Berry était un journal régional suivant une ligne éditoriale de centre-gauche, ou « radicale ». Il paraît jusqu'en 1944.

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